Quand Benoît Hamon résistait à l’intégrisme

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Je connais Benoît Hamon depuis quelques années. Un billet paru tout récemment sur Médiapart rappelle que sa main n’a pas toujours tremblé à propos d’islamisme. Nous avons mené ensemble, à ma demande, une campagne de soutien à la liberté d’expression d’Ayaan Hirsi Ali en 2008.  Cette députée néérlandaise d’origine Somalienne souvent traitée d’« islamophobe » était alors menacée de mort — elle l’est toujours — pour avoir écrit le court-métrage Soumission. Un film contre le sexisme en Islam réalisé par Théo Van Gogh, qui l’a payé de sa vie.

Au risque d’horrifier certains de ces nouveaux électeurs et soutiens, ce rappel est parfaitement exact. A l’époque, Benoît Hamon était député européen. Il m’a invité dans son courant pour tirer les leçons de l’échec subi par la gauche à la présidentielle… J’ai osé demander à la salle s’ils savaient que le « 11 septembre avait eu lieu », tellement leur silence sur ces sujets, au nom de la priorité au social, m’assourdissait.

J’ai proposé à Benoît Hamon de demander au Parlement européen le vote d’un Fond pour protéger les personnes menacées de mort en raison de leur liberté d’expression… Les députés conservateurs y ont fait barrage. Mais Benoît Hamon aura au moins essayé. Ce rappel est donc juste mais incomplet. Car aujourd’hui, alors que ce combat est plus que jamais nécessaire, je crains que Benoît Hamon n’en soit plus.

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Depuis qu’il n’est plus député européen mais député des Yvelines, il est moins vigilant envers ces menaces ou la montée de l’intégrisme… Il voit dans ces débats sur la laïcité de « l’hystérie » envers l’Islam, se réfère plus volontiers à la laïcité « de principe » de Jean Baubérot (militant pour les accommodements raisonnables), s’entoure de maires de banlieue persuadés que le vote populaire se gagne en dénonçant les reportages contre la montée de l’islamisme (comme son directeur de campagne l’a fait) ou en parlant de Palestine à la moindre occasion.

Un porte-parole complaisant

L’un de ses porte-parole, Alexis Bachelay (député des Hauts de Seine et vice-président du groupe d’amitié France-Qatar), n’hésite pas à donner des conférences contre l’état d’urgence en compagnie de professionnels des amalgames entre laïcité et « islamophobie d’Etat », comme Sihame Assbague ou le CCIF (proche des Frères musulmans et très anti-Charlie). Pas n’importe où. A Gennevilliers où est enterré l’un des frères Kouachi. Pas n’importe quand. Un an après le massacre de Charlie.

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Alexis Bachelay a participé au dîner de soutien annuel du CCIF de 2014 (sous l’égide de Tariq Ramadan). Il correspond depuis régulièrement sur Twitter avec Marwan Muhammad, son disciple, pour se soutenir mutuellement.

Ces réseaux sont particulièrement déchainés ces derniers jours contre Manuel Valls, que plusieurs sites proches des Frères musulmans et de l’extrême droite soralienne appellent à gifler et à faire battre.

Cela ne fait pas de Benoît Hamon leur candidat, bien entendu. Il n’est pas responsable de ses soutiens. Mais il est responsable de ses propos et de son équipe. Elle ne cesse d’amalgamer les questions légitimes sur la laïcité avec des obsessions « identitaires » digne de l’extrême droite « islamophobe ». Un mot que Benoît Hamon utilise.

Lui-même s’est rendu en 2011 aux fameux « Y a Bon Awards ». Une cérémonie qui passe son temps à faire passer des laïques pour des « islamophobes ». Partage-t-il cette propagande ?

Alors que Benoît Hamon connaît parfaitement mon antiracisme, j’ai découvert, un peu stupéfaite, qu’il m’attaquait dans Libération comme défendant une « ligne douteuse » en matière de laïcité. Moi, mais aussi Mohammed Sifaoui…. Menacé de mort depuis qu’il résiste à l’islamisme en Algérie. J’ai le dos large, mais livrer Mohamed aux chiens quand on sait la violence qui s’abat actuellement contre toute personne soupçonnée d’« islamophobie » relève d’un électoralisme pas très glorieux.

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En résumé, si je comprends parfaitement l’envie d’apaisement qui s’exprime, je ne crois pas qu’il faille pour taire ces divergences à gauche. Il faut pouvoir parler de l’emprise exercée par les radicaux sur les quartiers populaires comme de la responsabilité des élus locaux, qui ne réagissent pas de la même manière à Evry et à Trappes. C’est là que se joue la résistance, ou non, à ce qui défait la laïcité, l’égalité et donc le progrès.

Caroline Fourest