Lauren Bastide : l’influenceuse et la poudre

« Rien ne m’avait préparée à l’entrée en scène d’une miss Révolution, modeuse et poseuse », écrit Caroline Fourest au sujet de la militante Lauren Bastide.

Le féminisme est enfin à la mode. Des générations de parias et de sorcières en soient louées. Mais ce triomphe a un prix : subir une collection d’influenceuses carriéristes qui prennent le féminisme pour un sac à main branché.

C’est la première pensée qui m’est venue en croisant Lauren Bastide : « Tout ça pour ça ! » Je venais sur le plateau de « C l’hebdo » pour parler de l’ouverture du procès des assassins de Charlie. Elle nous rejoignait pour promouvoir son livre sur le féminisme. Un échange furtif, pénible, finalement coupé au montage. À mon grand regret. Il en disait long sur la bêtise du néo­féminisme intersectionnel.

Je connaissais vaguement ses positions, identitaires et victimaires, idéalisant le voile et refusant de soutenir Mila. Rien ne m’avait préparée à l’entrée en scène d’une miss Révolution, modeuse et poseuse.

Après avoir expliqué qu’on ne lui laissait pas assez la parole parce qu’elle était une femme (elle venait d’arriver en plateau), elle nous asséna trois poncifs sur le féminisme dignes d’un tuto marketing… Sur un ton qui laissait penser qu’elle venait de l’inventer. En réalité, elle venait juste de le découvrir, et pas façon Pasteur. Comme elle n’avait visiblement pas non plus inventé la poudre (seulement son podcast), elle s’est mise à jouer la « bonne alliée ».

À une chroniqueuse qui venait de rappeler quelques-unes de ses invitées sur Spotify (Alice Coffin & Co), elle glissa d’une voix perchée : « Vous n’avez cité que des femmes blanches… Mais ça doit être un hasard ! »Agacée par ce procès d’intention et tant de clichés, j’ouvris une paupière pour demander si des « féministes universalistes » seraient conviées. Lauren Bastide déclina sur un ton de dame patronnesse : « Je préfère donner la parole à des femmes noires et musulmanes. » En gros, son podcast sur le féminisme était désormais interdit aux universalistes blanches… par charité. En coulisse, je lui dis mon dégoût pour sa façon d’assigner. Elle leva les yeux au ciel avant de demander « pardon » si elle m’avait « offensée ». La suite se perdit dans un gloubi-boulga mi-religieux mi-woke qui désole, mais rapporte.

Sous un vernis gauchiste de bon aloi, Mediapart vient de révéler que l’influenceuse « révolutionnaire » traîne surtout la réputation d’une cheffe d’entreprise sans pitié. D’anciens collaborateurs et collaboratrices se plaignent d’avoir bossé gratuitement pour sa boîte de podcasts, au chiffre d’affaires mirobolant, avant de la voir s’approprier leurs concepts. Les attaques les plus violentes sont venues de ses alliées intersectionnelles, qui lui reprochent de les avoir exploitées, mais surtout d’être blanche.

C’est tout le problème de l’identitarisme. Certains croient pouvoir jouer cette carte pour faire carrière. Mais il y aura toujours quelqu’un, plus opportuniste encore, pour s’en servir afin de les dévorer.

Caroline Fourest, Marianne, 27/10/2021