Mon vrai désaccord avec Jean Baubérot

 

fourest-bauberot

Jean Baubérot se défend de prôner une « laïcité ouverte ». Formidable, mais ce n’est pas mon propos…  Je précise dans mon livre qu’il n’utilise plus cette expression depuis qu’elle est fortement critiquée.

Mon reproche est ailleurs. Il concerne sa vision relativiste de l’histoire de la laïcité (où toutes les interprétations de 1905 se valent), sa volonté de renégocier la Séparation, son militantisme obstiné pour importer les accommodements religieux » et le modèle canadien, son soutien aux sectes, son vocabulaire caricatural et inversé minimisant le danger du radicalisme religieux tout en parlant de danger « laïciste » et d' »intégrisme républicain ».

Une conception désarmante de la laïcité qui va jusqu’à la complaisance affichée envers les mouvements religieux radicaux, sexistes et homophobes, comme l’UOIF, qui l’invite presque chaque année à son Congrès.

Jean Baubérot se défend de placer la liberté religieuse avant l’égalité, mais tous ses travaux et ses prises de positions militent dans ce sens…

Un exemple parmi d’autres racontés dans mon livre, il se moque des femmes canadiennes alarmées à l’idée qu’un Centre YMCA de Montréal ait accepté de givrer ses vitres. Des ultra-orthodoxes ne supportaient pas de voir des femmes faire du sport en tenue moulante… Jean Baubérot ne voit pas le problème de cacher le corps des femmes pour leur faire plaisir. Il soutient ce type d’accommodements et fait donc passer le respect de la radicalité religieuse avant celui de l’égalité.

C’est  le genre d’exemples qu’on peut rappeler en débat lorsqu’un interlocuteur n’assume pas où mènent ses positions. Après avoir dit « oui' », Jean Baubérot a finalement refusé de débattre avec moi, même par email, pour des raisons personnelles… Qui ne l’ont pas empêché de répondre séparément aux questions de la journaliste de L’Obs. Il est visiblement plus commode de contrer mes arguments sans que je puisse veiller à ce qu’ils ne soient pas déformés.

Dans cet entretien, Jean Baubérot me qualifie de « Trump de gauche ». Est-ce bien sérieux ? Je finis par me demander si certains universitaires n’ont tout simplement pas perdu le sens des mots. Leur désorientation sémantique s’accompagne d’oukases visant à intimider et à traiter d' »islamophobe » tous ceux qui défendent l’égalité ou alertent sur le danger intégriste.

Il y a dix ans, un collectif d’universitaires autour de Jean Baubérot publiait une tribune dans Le Monde pour hurler contre le fait qu’on me décerne le prix du livre politique. Je venais de faire paraître La Tentation obscurantiste, un livre qu’ils qualifiaient de « bréviaire de la haine », alors qu’il se contentait d’alerter contre l’aveuglement d’une certaine gauche envers l’islamisme…

Nous sommes nombreux à avoir subi ces procès d’intention. A force, les gens s’y perdent. D’où la nécessité de retracer précisément les enjeux révélés par ces « lignes de fracture » dans Génie de la laïcité.

Contrairement à ceux qui caricaturent mes propos au lieu d’y répondre, sans jamais pouvoir produire la moindre phrase accréditant leurs amalgames, je ne fais que citer (note de bas de page à la clef) les écrits de mes contradicteurs. Il est vrai qu’ils apparaissent, avec le recul, comme un cruel désaveu de réalité.

Caroline Fourest

Ps : Je suis également tout à fait disposée à débattre avec Jean-Louis Bianco de nos désaccords, mais celui-ci, bien qu’il occupe une fonction officielle, a déjà décliné cinq propositions venant de médias écrits, radios et télévisés.

capture-decran-2016-10-23-a-16-07-32

capture-decran-2016-10-23-a-16-07-40

capture-decran-2016-10-23-a-16-07-48

capture-decran-2016-10-23-a-16-08-08

4 réflexions sur “Mon vrai désaccord avec Jean Baubérot

  1. Merci de remettre sans cesse sur la table le bel ouvrage de la laïcité, Caroline Fourest, que d’aucuns dont Baubérot, n’ont de cesse de vouloir voir exploser au profit des modèles anglo-saxons and c°.

    J’aime

  2. Une manifestation islamiste du début 2004 avait qualifié Jean Baubérot d’ « homme juste ». Présenté comme « le plus grand spécialiste de la laïcité en France » par les Frères musulmans de l’UOIF, Baubérot s’est déclaré « très heureux » de revenir au Bourget. Il y a parlé de « l’utopie d’une laïcité apaisée » et promet de combattre « pour l’égalité entre religions »

    J’aime

  3. Poke #Catherine Picard
    Jean Baubérot est l’homme qui segmente la laïcité, la parcellise ce qui réduit le concept en le diluant grâce à moult qualificatifs. Exemple : « Effectivement, nous dégageons six types différents de laïcité. Trois d’entre eux prédominent aujourd’hui : ce que nous appelons une laïcité de « collaboration », une laïcité sur le modèle de la « foi civique » et une laïcité de type « séparatiste ». Ces trois aspects cohabitent à différents degrés dans notre société. »
    La laïcité n’est pas celle du boucher ou celle du libraire, elle est celle de la République, la référence de tous les citoyens. Une valeur universelle qui permet à chacun de pouvoir exprimer des choix spirituels, philosophiques, politiques…au delà du simple fait religieux et en toute liberté de conscience, d’expression. Les ennemis de la laïcité veulent toujours la réduire à un qualificatif, et l’inféoder au fait religieux. Jean Baubérot de fait défend aussi au nom de la liberté les mouvements sectaires qu’il nomme « nouveaux mouvements religieux, comme si cela donnait à une organisation un poids plus important de respectabilité. Par ailleurs le fait d’être ciblés « religieux » donnerait à ces mouvements le droit de ne pas respecter l’ordre public. Il y a derrière ces notions un désir de communautariser la société en donnant des droits spécifiques au nom de pratiques dites « cultuelles ». Le droit est le même pour tous dans l’esprit des textes, il faudrait qu’il le reste dans l’application de la justice.

    J’aime

Les commentaires sont fermés.