La malédiction Peltier

Voilà un homme qui n’aurait jamais dû trouver sa place au sein de la droite républicaine. Avant de préférer Éric Zemmour à Valérie Pécresse, Guillaume Peltier a toujours été fasciné par les hommes d’ordre et de revanche : Jean-Marie Le Pen, Bruno Mégret, Philippe de Villiers.

Son échec suit invariablement celui de la droite identitaire qui l’a forgé. Fils de soixante-huitards convertis au christianisme, il a commencé par fréquenter l’Ichtus, le plus théocratique des instituts traditionalistes, héritier de la Cité catholique, fondée par des maurrassiens pour infiltrer la cité politique et restaurer sur terre la loi du Christ, jugée supérieure.

Quand on lui rappelle ce passé, Guillaume Peltier prétend s’être converti… à la laïcité. Sauf qu’il intervient encore à l’institut en 2007, la même année que Béatrice Bourges, du Printemps français, le plus violent des mouvements opposés au mariage pour tous, pour y dénoncer la « dissidence culturelle ». Parti du FN pour atterrir chez LR, il promettait jusqu’à récemment d’abroger la loi Taubira une fois au pouvoir. Une promesse intenable. La droite républicaine le sait. Lui feint d’y croire. Ses collègues pensaient l’ancien réfractaire assagi, un peu comme les anciens d’Occident se sont fatigués du coup de poing. Erreur. La radicalité d’Occident était avant tout hormonale. Celle de la Cité catholique est plus cérébrale. À moins d’un Alzheimer, elle ne s’estompe guère. La preuve par Peltier.

FOI DE CONVERTI

En 1996, alors qu’il vient juste d’adhérer au FN et dirige son mouvement de jeunesse, le jeune ambitieux fonde la JAC, Jeunesse action chrétienté, pour se battre contre le Pacs. Un mouvement capable de signer des pancartes comme « Ne sois pas gay, tu deviendras triste ». Dans un de ses éditos de l’époque (il dirigeait Vive la vie !, « Le journal des jeunes contre le Pacs »), Peltier écrit : « Avortements, violences, suicides, overdoses, sida, euthanasie, mariage “homo”… viennent nous rappeler que la culture de mort se porte bien. » Le jeune croisé invite la jeunesse à « prier » et à « agir », « pour le Christ », sur le « chemin de la vérité », armée du sens« de l’Honneur et de la Pureté », « du Devoir et du Sacrifice ». Un vocabulaire que l’on retrouve au mot près (majuscules comprises) chez les islamistes.

Devenu officiellement « laïque » et « républicain », Guillaume Peltier critique désormais le « communautarisme chrétien ». Il n’a guère goûté la promotion fulgurante d’un François-Xavier Bellamy, il est vrai concurrent, qu’il juge trop conservateur (entendez sur les questions sociales). Lui ne vient pas de Versailles, mais de la classe moyenne, d’une foi de converti, ardente et populaire. Son ambition contrariée passe désormais par Éric Zemmour, le banlieusard revanchard, son nouveau père, qu’il trahira comme tous les autres. La malédiction de l’histoire rattrape toujours la droite identitaire. La droite républicaine devrait s’en souvenir, et balayer devant sa porte, avant d’être consumée de l’intérieur.

Caroline Fourest, Marianne, 13 janvier 2022