L’enjeu de l’affaire Baby Loup

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Après le jugement de la Cour de cassation, relisez la chronique de France Culture consacrée à l’affaire Baby Loup en décembre 2010 (publiée dans Quand la gauche a du courage chez Grasset)

Baby Loup, c’est le nom de cette crèche de Chanteloup les vignes. Elle est menacée par la plainte aux prud’hommes d’une salariée portant un jilbab. Un voile noir couvrant à l’exception d’une ovale pour le visage… Quitte à menacer une structure pensée pour aider les familles du quartier.

Le dossier est complexe et mérite d’être compris dans son contexte.

Exilée chilienne, la fondatrice de la crèche, Natalia Baleato, lutte depuis des années pour créer un climat serein et égalitaire. Elle veille à ce que les enfants ne jouent pas avec des jouets sexistes. Elle refuse de réveiller les enfants à l’heure de la prière comme le lui demandent certains parents. Elle exige de ses salariés une tenue neutre. Son adjointe a elle même a fait respecter cette consigne en priant une salariée de ne pas venir voilée. C’est cette même adjointe qui porte aujourd’hui plainte pour exiger le droit de travailler à la crèche en voile long. Un choix qu’elle a fait à son retour d’ un congé maternité… qui a duré six ans. Dès son retour, elle multiplie les sources de contrariété et cherche visiblement un accord financier pour être licenciée avec indemnités. Le voile fait partie du chantage. Ce qui serait une banale affaire de prud’homme si la HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations, ne s’en était pas mêlée…. En consacrant « la liberté religieuse absolue » de cette salariée.

Entendons-nous bien, il y a des cas où cette discrimination existe. Et où les service juridique de la HALDE rendent des avis parfaitement justifiés. Par exemple lorsqu’une auto-école a refusé de donner des cours de conduite à une femme portant un voile simple. Dans ce cas, nous sommes clairement devant un refus de prestation de service tombant sous le coup des lois antiracistes.

Le cas Baby loup est plus complexe. Certes, il s’agit d’une crèche privée, mais financée par des fonds publics pour rendre une mission de service public. D’où l’alerte lancée par Elisabeth Badinter, la marraine de la crèche. Et le soutien d’homme politique comme Manuel Valls. Rarement les Prud’hommes de Mantes-la-jolie avaient vu autant de monde lors du procès. L’avocat de la crèche, Richard Malka, a rappelé qu’une jurisprudence autorise les entreprises à restreindre la liberté vestimentaire de leurs salariés pour un « motif légitime ».

C’est le cas d’une entreprise ayant souhaité se séparer d’un employé qui ne voulait plus venir qu’en bermuda. Il a perdu tous ses recours. Dans le cas du voile, ce motif se juge au cas par cas, en fonction du lieu, du poste et surtout de l’activité. En l’occurrence, nous parlons d’une crèche qui devrait bénéficier du statut de « service public ». Espérons que les assesseurs des prud’hommes aient compris cet enjeu.

Caroline Fourest

France Culture, décembre 2010

En l’occurrence, les juges de la Cour de Cassation ne l’ont pas compris… La solution est donc, qu’à l’avenir, les crèches privées faisant oeuvre de service public se dotent d’une charte qui prohibe les signes religieux ostentatoire et les dérogations religieuses pouvant nuire à l’accueil, en toute neutralité, des enfants.

17 réflexions sur “L’enjeu de l’affaire Baby Loup

  1. Merci pour cet exposé clair.La solution est bien sur dans le reconnaissance de statut de « faisant oeuvre de service public » que j’ai expérimenté une trentaine d’années dans le secteur de la Santé Mentale associative ! Merci Caroline !

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  2. C’est « hijab » et non « jilbab » ! Je vous trouve tenace et exemplaire pour beaucoup de femmes, j’espère que vous ne serez pas aveuglée par la passion et la nudité au nom de la liberté, cela est l’arme des pauvres… Vous tenez têtes à beaucoup d’hommes et votre « phrasé » est un outils d’utilité public. Alors soyez-vous même face aux intégristes et ne changez pas !
    Abdel (musulman et féministe)

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  3. Pingback: Réflexions sur la laïcité | Sans titre accrocheur

  4. Comme vous l’avez dit, ce qui rend les choses un peu difficiles avec cette affaire, c’est le statut de la crèche : entreprise privée ou pas ?

    Mais ça vous l’avez bien expliqué en disant que dans le cas du voile, le « motif légitime » se juge au cas par cas (que ce soit un voile ou un bandana d’ailleurs). Les restrictions à la liberté individuelle ou colective (donc que ce osit lal iberté de culte ou pas) ne sont effectivement autorisées que si elles ont pour but de faire respecter 1) la bonne marche de l’entreprise ; 2) les impératifs de santé et d’hygiène.

    Quand l’entreprise n’est pas un service public, elle ne peut en principe pas exiger que ses travailleurs soient « neutres », car ce n’est précisément pas un service public !

    La crèche baby-loup est donc en tort, elle aurait dû demander le statut de service public si elle tient à lier sa mission à celle de la laïcité républicaine. A défaut, la crèche n’avait pas à exiger de son employée qu’elle ne porte pas de signes religieux

    C’est pour cela que la Cour de Cassation a cassé la décision donnée en appel.
    L’intervention de Manuel Valls était quant à elle tout à fait inappropriée : un ministre n’a pas à donner son appréciation sur le jugement qui devrait être rendu dans une affaire, surtout que l’affaire n’est pas encore terminée puisqu’elle doit être rejugée par le juge du fonds ! Manuel Valls oserait-il donner des indications sur la manière de juger cette affaire ?

    Là est le vrai scandale de cette histoire, outre le fait regrettable qu’on semble confondre « voile au travail » avec « laïcité » et laïcité du service public avec liberté de culte dans une entreprise privée, alors que comme vous l’avez dit, ce qui pose problème ici c’est la nature de la crèche finalement. Il y’a une sorte de confusion gênante et dangereuse (surtout quand elle est entretenue par un élu de la République).

    Pour le jugement de la Cour, il faudrait vérifier les arguments invoqués par « la crèche » mais le motif de laïcité n’était pas valable et la Cour a eu raison de casser la décision sur cette base.

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  5. Médiapart a une toute autre analyse de ce fait, je vous invite à le consulter. Continuez, car ce que faites est intelligent, beau donc socialement nécessaire notre culture.

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  6. Et pourquoi limiter l’enjeu aux crèches qui bénéficient de fonds publics ? Pourquoi les signes ostentatoires devraient-ils être admis dans les entreprises privées selon vous ?

    J’aimerais entendre vos arguments car si mon employeur tolère qu’une femme voilée travaille sous ses ordres et donc à mes côtés, il accepte implicitement la différence de traitement entre les hommes et les femmes et m’impose par la même occasion cet état de fait.
    Dans la rue, je peux ignorer ce foulard qui ne correspond pas à mes convictions parce qu’il est dicté par la religion. Dans mon entreprise, impossible, il s’imposerait à moi, me le rappellerait à chaque instant. Comment alors le tolérer ? Le monde professionnel reste un des points noirs de la lutte pour l’égalité de traitement.

    Accepter qu’une femme vienne travailler avec ce signe religieux qui cache une partie d’elle même, n’est-ce pas bafouer les siècles de combat contre la suprématie des hommes imposée par une culture catholique ?

    Merci de votre réponse
    Cl.

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  7. le commentaire ci dessus (même si je respecte le point de vue de chacun, il ne faudrait pas tout confondre…)et le jugement de la cour de cassation me désolent!…
    c’est pénible ces prétextes pour imposer le religieux un peu partout! et puis aujourd’hui les anti mariage pour tous qui retournent dans la rue…encore du « religieux » pour faire la promo de l’intolérance et prosélytisme à tous les étages……pfff…de l’air, vite de l’air

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  8. Pingback: L’eccezione religiosa minaccia anche la laicità francese - UAAR Ultimissime

  9. C’est en tant que femme de gauche que je m’exprime. Lorsque j’ai appris la décision de la cour de cassation j’ai eu l’impression de prendre un coup de massue.

    Oui, le principe de laïcité doit être respecté dans le privé tout autant que dans le public…

    Une crêche, est-ce uniquement un lieu de « garde » ? c’est là que commence l’éducation…

    A l’heure où nous nous battons enfin contre les violences faites aux femmes, que nous luttons contre les stéréotypes, pouvons-nous laisser un symbole de la domination masculine aussi puissant que le foulard s’introduire dans de tels lieux ?

    Une autre question :

    Le foulard : est-ce le symbole d’une religion ou d’une idéologie qui refuse d’accorder aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes ?

    Pour les islamistes la banalisation du port du foulard est une étape importante à franchir, c’est pourquoi ils sont si bien organisés et sur tous les terrains actifs en permanence.

    Et ceci se fait contre les intérêts d’autres musulmans que nous connaissons tous, qui veulent vivre en paix et qui refusent d’être amalgamés à cette minorité d’empêcheurs de vivre ensemble.

    Quand à gauche nous disons cela, nous nous faisons insulter, c’est le monde à l’envers…

    J’espère que les associations féministes viendront nombreuses soutenir Natalia Naleato, responsable de la Crêche Baby Loup, qui est une femme remarquable et toute son équipe.

    Cordialement
    Monik
    Montpellier

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  10. C’est en tant que femme de gauche que je m’exprime. Lorsque j’ai appris la décision de la cour de cassation j’ai eu l’impression de prendre un coup de massue.

    Oui, le principe de laïcité doit être respecté dans le privé tout autant que dans le public…

    Une crêche, est-ce uniquement un lieu de garde ? c’est là que commence l’éducation.

    A l’heure où nous nous battons enfin contre les violences faites aux femmes, que nous luttons contre les stéréotypes, pouvons-nous laisser un symbole de la domination masculine aussi puissant que le foulard s’introduire dans de tels lieux ?

    Une autre question :

    Le foulard : est-ce le symbole d’une religion ou d’une idéologie qui refuse d’accorder aux femmes les mêmes droits qu’aux hommes ?

    Pour les islamistes la banalisation du port du foulard est une étape importante à franchir, c’est pourquoi ils sont si bien organisés et sur tous les terrains actifs en permanence.

    Et ceci se fait contre les intérêts d’autres musulmans que nous connaissons tous, qui veulent vivre en paix et qui refusent d’être amalgamés à cette minorité d’empêcheurs de vivre ensemble.

    Quand à gauche nous disons cela, nous nous faisons insulter, c’est le monde à l’envers…

    J’espère que les associations féministes viendront nombreuses soutenir Natalia Baleato, responsable de la Crêche Baby Loup, qui est une femme remarquable et toute son équipe.

    Cordialement
    Monik

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  11. Vous vous trompez, le sujet n’est pas de savoir si c’est une entreprise privée, un service public ou autres. Même une entreprise privée qui vend des sandwichs devrait avoir le droit d’exiger de ses employé(e)s qu’ils portent l’uniforme (ou tenue jugée appropriée) de l’entreprise et qu’ils ne portent pas de signes religieux ou politiques ostensibles. Une croix ou étoile de David ou le même genre pour l’islam portée en pendentif sous le t-shirt ne gènerait personne, c’est l’ostentatoire qui gêne… quoi de + ostentatoire qu’un foulard religieux.

    Une loi devrait être faite, non pas pour interdire le foulard au travail, mais pour donner l’autorisation à l’employeur (et donc l’obligation à l’employée) de ne pas porter de signes religieux ostentatoires au travail pour respecter le choix de l’entreprise d’afficher une neutralité vis à vis de ses clients.

    Il ne faut interdire purement et simplement pour une seule raison : l’employeur peut très bien être d’accord pour que son employée porte le voile, dans ce cas là ce sera aux clients (donc aux parents pour une crèche) de décider s’ils veulent continuer à s’offrir les service de cette entreprise…

    Voilà le bon sens.

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  12. Le fond du problème est le suivant: la Cour de cassation dit le droit, mais le droit est-il le juste?

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  13. Chère Caroline Fourest,
    Je n’ai pas eu l’occasion de le faire le 23 mai dernier (et j’aurais préféré le faire en privé) mais je tiens à vous remercier à titre personnel de votre soutien et engagement sincère auprès de la crèche BL. Nous étions en droit je pense d’attendre plus de courage de la gauche mais bon…
    Je ne souhaite pas commenter le commentaire ci-dessus, à part peut-être pour dire que je vois pas comment on peut justifier juridiquement le fait qu’une association puisse faire le choix d’être confessionnelle mais pas celui d’être laïque.
    La décision de la Cour de Cassation a de quoi inquiéter beaucoup d’associations, en particulier celles engagées dans la défense des droits des femmes et œuvrant pour leur émancipation. On observe chaque jour, sur le terrain, dans l’espace public et politique, de nouveaux exemples de ce qui doit être considéré comme un mouvement réactionnaire contre l’égalité femmes-hommes et le droit à l’égalité des homosexuel-le-s.
    Merci d’avoir le courage de porter ces valeurs,
    Amitiés féministes,
    Valentine

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  14. Cela remonte le moral de voir que a notre époque il existe encore des gens qui refusent toute compromission et osent dire non, quand ce serais facile d’arrêter la polémique avec quelques finances.
    Cela me rappelle Camus, ou encore Mauriac durant l’occupation ou la guerre d’Algérie et dans toute leur vie.,
    Bien que Chrétien je sais qu’être honnête homme n’a rien a voir avec la religion qui est de l’ordre de l’intime,. (« Honnête homme »: c’est une malheureuse expression j’en conviens, une « belle âme » dirons nous , mais la encore cela porte a confusion; de toutes façons quelque soit le vocabulaire j’espère que vous m’aurez compris)
    Très cordialement et avec toute mon admiration pour Madame Baleato, une vraie humaniste.

    svp: ne m’abreuvez pas de mail, si je donne mon identité c’est que ne crois pas en l’anonymat. Mais je suis informaticien donc loin de la sphère médiatique et je ne tiens pas a m’impliquer dans quoi que ce soit, j’ai déjà fort a faire avec mon travail et ma famille.
    Mais je tiens a être en accord avec mes convictions
    Je compte sur vous, et avec tout mon soutiens pour vos différentes actions Mlle Fourest.

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