Agressions sexuelles à Cologne, du déni empoisonné au combat de coqs

par franceculture

Une leçon semble avoir au moins été tirée de cet atroce réveillon. Ce n’est pas parce qu’un événement est dérangeant qu’il doit être tu. Ce n’est pas la seule explication à l’origine du silence des premiers jours. La première des raisons, au moins en ce qui concerne la presse, c’est tout simplement l’absence de sources pour pouvoir en parler. Le déni puis les informations très parcellaires délivrées par la police allemande.

Le peu qui semble établi suffit à être grave. Plus de 600 plaintes déposées pour des vols, mais aussi à 40% pour agression ou harcèlement sexuel en réunion. Les victimes décrivent des agresseurs d’origine arabe, dont certains francophones, plutôt marocains et algériens si l’on en croit les rares contrôles ou interpellations. Quelques Syriens. Quelques Irakiens. Plusieurs interpellés, pas forcément les coupables, sont demandeurs d’asile.

Cela suffit à faire des agressions de Cologne un cauchemar à tout point de vue. D’abord et avant tout pour celles qui l’ont vécu. Ensuite pour ceux qui vont en subir les conséquences sans avoir rien fait. Enfin pour ceux qui doivent en débattre.

Il fallait déjà réussir à dénoncer le terrorisme et l’islamisme sans affecter tous les musulmans. Voilà maintenant qu’il faut traiter ces scènes de chasse aux femmes sans provoquer le rejet des migrants ou des réfugiés. C’est l’horreur, et l’enfer.

Les précautions de certaines féministes

Certaines associations féministes, pas toutes, ont pris mille précautions. Ne parlons pas de certains milieux antiracistes pour qui, dans ces cas-là, la moindre personne osant dénoncer le sexisme est raciste… Ce n’est pas nouveau. En 1976 déjà, lorsqu’une féministe du MLF s’est fait violer par un militant immigré, des camarades gauchistes — qui considéraient les revendications féministes comme accessoires et « bourgeoises » — lui ont ordonné de se taire. Pour ne pas stigmatiser. Heureusement pour nous toutes, les féministes du MLF ne se sont pas laissé intimider. Elles ont dénoncé le viol pour ce qu’il est : un acte de dominant, même quand il vient d’oppresseurs par ailleurs dominés.

A Cologne, le jour où les troupes racistes et anti-musulmanes de Pegida défilaient sur le mode « tous les réfugiés sont des violeurs », des associations de femmes manifestaient à la fois contre les agressions et leur récupération raciste. On peut dénoncer le sexisme des uns sans être dupe du virilisme des autres.

L’extrême droite ne se dit féministe que lorsqu’il s’agit de marquer son territoire face à des hommes arabes ou musulmans. En France, elle n’a aucun scrupule à insulter et à menacer les féministes osant dénoncer leur sexisme sur la place publique. Or c’est bien l’enjeu de Cologne. Le droit des femmes à disposer de l’espace public sans être agressées.

Ce droit existe en théorie. En pratique, combien de villes sont sûres dès que la nuit tombe pour les femmes ? Qu’elles puissent célébrer le 31 décembre au milieu d’hommes nombreux et éméchés est en soi une victoire de la civilisation sur la domination. On la doit aux féministes et à des décénies de déconstruction.

Que l’une de ces rares places pacifiées puisse devenir, comme à Tahrir, le théâtre de scènes moyen-âgeuses est un retour en arrière propre à enrager.

Cette violence misogyne n’est le monopole d’aucune culture ni d’aucune religion. Une histoire millénaire est là pour le prouver.

Mais il est faux de nier qu’elle ne varie pas en intensité selon qu’une culture soit plus ou moins patriarcale ou féministe. En Allemagne, en Suède, en France, les femmes ont arraché le droit de vivre libre sans être considérées comme objets ou des proies.

Accueillir à l’intérieur de ces sociétés des hommes qui viennent de sociétés machistes, où on leur explique que les femmes européennes sont des putes parce que libres, est un défi.

Le choc des cultures machiste/féministe

La réponse n’est certainement pas de tout mélanger. Les voyous agissant comme des vandales en terrain conquis et les réfugiés fuyant cette violence patriarcale… Ayant donné au mieux la dictature. Au pire le totalitarisme religieux.

Horrifiés par des violences qu’ils espéraient sans doute avoir laissé derrière eux, des réfugiés ont distribué des fleurs et brandi des pancartes contre le sexisme pour tenter de faire oublier cette image qu’on leur colle désormais.

Dans le New-York Times, on peut lire le récit d’une étudiante américaine sauvée des agresseurs de la Saint-Sylvestre par un groupe de réfugiés.

Il y a certainement aussi des réfugiés parmi les agresseurs. Ils doivent être très clairement sanctionnés. Mais ils sont plus nombreux à pleurer en pensant à leurs sœurs, enlevées et violées par les hommes de Daech ou les militaires d’Assad. Ceux-là n’ont pas traversé dix pays et manqué de se noyer mille fois pour se comporter comme les bourreaux qu’ils cherchent à fuir.

Ceux-là ne seront pas difficiles à convaincre que l’Europe est une terre plus sûre et plus agréable à vivre parce qu’elle protège les droits des femmes.

Chronique à retrouver tous les lundis sur France Culture à 7h18.