Thomas NLend était bien infiltré chez Soral

Il est toujours difficile de croire la parole d’un ancien infiltré. J’étais moi-même très sceptique avant de vérifier, pendant des mois, les propos de Thomas. J’aurais préféré avoir affaire à un repenti, tellement plus fort ! Dans ma vie, je leur ai souvent donné la parole (anciens ramadiens, anciens frères musulmans, anciens catholiques intégristes). J’aurais adoré qu’un ancien Soralien ayant changé d’avis nous le raconte.

Mais ce n’est pas l’histoire de Thomas NLend. Il n’a jamais pris Soral au sérieux, il l’a infiltré pour toucher un peu d’argent de la part d’un indic, avant de ne plus supporter ce rôle et de lui mener la guerre par détestation profonde du personnage et ses idées. 

Soral lui-même le maudit comme un « indic » l’ayant infiltré depuis 2014. Encore récemment, il s’emportait — en délirant un peu comme toujours — contre « l’infiltré Cardet » suite à une question d’auditeur ( à 16’46 mais le meilleur passage sur les « maghrébins traitres » commence à 12′) !

Je sais le cran qu’il a fallu à Thomas pour raconter son histoire, dans sa vérité et sa complexité. Les attaques subies, les déménagements, la pression sur sa famille, les coups tordus pour empêcher ce livre. 

Je comprends que certains aient du mal à l’oublier en Mathias Cardet (son nom chez Soral), moins ceux qui disent simplement ne pas « le sentir », sans avancer le moindre argument crédible à l’appui.

On a toujours du mal à croire un ancien infiltré : « Il a déjà menti. Pourquoi le croire maintenant ? ». Parce que les faits plaident pour lui. Que son récit est extrêmement détaillé, même quand il n’est pas à son avantage, qu’il a laissé des traces vidéos, qu’il prend des risques, que plusieurs témoins de l’époque confirme son histoire, que des enchainements ne s’expliquent pas autrement, qu’il a beaucoup à perdre à le raconter, et que la thèse du « Nan mais euh… Moi, j’y crois pas », elle, ne tient pas.

La thèse du « non infiltré » ne tient pas

Si Thomas n’est qu’un repenti et pas un ancien infiltré, comment expliquer qu’il soit passé en quelques mois d’un jeune père de famille fasciné par les anti-skins, vivant avec une militante antifasciste (que je connais), un homme qui a témoigné dans l’affaire Tron par détestation du Front national (ce que m’a confirmé une journaliste l’ayant rencontré à l’époque), à militer chez Soral sous un faux nom ? 

S’il était subitement gagné par les idées de Soral, pourquoi ne se serait-il pas pointé tout simplement au local d’Egalité & Réconciliation, au lieu de publier un livre, de se faire passer pour un ancien hooligan dans la même maison que l’éditeur de Soral, afin d’attirer son attention sans éveiller ses soupçons paranoïaques ? Il l’explique très bien dans le livre.

Si Thomas Nlend voulait vraiment s’engager par admiration pour Soral, pourquoi lui avoir caché son vrai nom et lui avoir donné une fausse adresse lorsque ce dernier a voulu venir dîner chez lui et sa femme pour le tester ?

Si Thomas Nlend est un ancien soralien de cœur, et non indic, comment expliquer qu’il ne crie pas les slogans antisémites chantés à tue-tête par tous les hommes autour de lui sur une vidéo de la Gaza Firm en juillet 2014 ? On le voit marcher en retrait, tendu, sans vraiment participer. Exactement comme il le raconte dans son livre, il n’était pas dans ce mouvement par adhésion, mais en infiltration.

Si Thomas était alors soralien et non indic, comment expliquer qu’il ait livré des informations compromettantes sur Soral à des journalistes enquêtant sur lui à l’époque où il était son lieutenant ? C’est un fait confirmé par les journalistes en question.

Si Thomas avait été soralien de coeur, pourquoi aurait-il fait fuiter l’affaire Binti (une ancienne mannequin noire l’accuse de lui avoir envoyé un selfie nu et des textos racistes) qui a coûté si cher à Soral ? C’est une vidéo de Jo Dalton, ancien des Black Dragons, qui a créé le scandale. Avec la complicité secrète de Thomas. Ce qui prouve bien que Thomas Nlend détestait Soral. 

Comment croire que le fameux Noël Dubus n’ait joué de rôle dans cette infiltration, alors que c’est sa spécialité (placer des indics er revendre leurs informations), qu’il me l’a confirmé, et que leur complicité est établie depuis 2011 ? Des articles de presse en attestent.

Si Noël Dubus n’est qu’un « mythomane » comme l’affirme Gabriel Libert dans Marianne et pas du tout un barbouze (comme il le dit aussi), comment se retrouve-t-il dans cette sombre histoire d’affaire Paris-Match/ Takkiedinne où il a entrainé Thomas ?

Si Noël Dubus n’avait aucune entrée à la PJ de Versailles, ni au SIAT (le Service technique des infiltrations) à la SDAT (la Sous-direction antiterroriste), ce que plusieurs sources m’ont confirmé, comment se fait-il qu’il ait lui-même réalisé une infiltration pour les Services en 2012 ?

Dubus s’est fait passer pour un marchand d’armes en vue de piéger un acheteur kurde du PKK, arrêté au moment de conclure l’échange. Une opération policière sortie dans la presse. Même Gabriel Libert dans Marianne, après l’avoir traité d’affabulateur, reconnaît que Noël Dubus « effectuait en effet des missions d’infiltration pour le SIAT ». 

Si Thomas était un repenti et non « l’indic d’un indic » — ce que même Gabriel Libert de Marianne finit enfin par concéder après trois articles calomnieux ! ­— pourquoi se fatiguerait-il à raconter une histoire aussi compliquée, prenant le risque de fâcher certains services, au lieu de faire un livre disant qu’il est repenti… Ce qui est toujours plus apprécié et plus facile à raconter. 

La thèse du « toujours soralien » encore moins…

Certains osent carrément imaginer que Thomas est toujours soralien… Mais alors pourquoi publier un livre aussi dévastateur contre Soral  ?

La vraie question est plutôt la suivante : pourquoi, au lieu de parler du contenu de ce livre et de ce récit sur l’extrême droite, le site Arrêt sur Images se joint-il à Gabriel Libert pour discréditer Thomas NLend ? Pourquoi ne pas parler de cette vidéo où Soral maudit l »indic Cardet », des menaces reçues de ses hommes, ne pas citer les réponses envoyées par écrit et les explications fournies, et surtout pourquoi avoir écarté les témoignages allant dans le sens de Thomas, comme Simone Benzaquen de l’American Jewish Comittee et d’autres ? 

Tout simplement parce que ces accusateurs sont d’une très grande malhonnêteté, et qu’ils veulent avant tout m’attaquer.

Voilà 20 ans qu’Arrêt sur Images, cette officine idéologique qui hait la gauche Charlie, me traite de « menteuse » et parle de « dérapages » à mon sujet… pour avoir alerté, avant tout le monde, sur Tariq Ramadan ou Jérémy Corbyn ! A l’inverse, ils louent le rappeur Médine (ce grand quenelliste) et soutiennent mordicus Yassine Belattar. Encore le mois dernier, ils ont accusé Franc-tireur de « plagiat » parce que nous avons cité en encadré l’extrait d’un site d’extrême droite accablant pour les Zouaves ! Délirant.

Ces prétendus vérificateurs de journalisme ne sont que des commissaires politiques aux petits pieds, des manipulateurs qui ne trompent plus aucun journaliste sérieux depuis bien longtemps.

A propos de Gabriel Libert et Marianne

Jamais à court de fiel, Arrêt sur Images me reproche désormais d’avoir voulu rétablir la vérité sur Thomas dans Marianne. Je comprends que la sincérité puisse choquer Arrêt sur Images vu leur conception du journalisme, mais quand même… N’est-ce pas un peu gros — et visible — de reprocher à une journaliste de vouloir défendre la vérité ?

Surtout que je n’y suis pas parvenue ! Trois articles diffamant Thomas NLend signés de Gabriel Libert, venu de l’école paparazzi, sont bien parus.

Si je réponds ici, et non dans mon journal, c’est que je subis depuis un an et demi un climat professionnel très pénible à cause de ce rédacteur en chef adjoint de Marianne, qui n’a pas supporté d’avoir été pris en défaut, et me le fait payer depuis par tous les moyens, en montant mes collègues contre moi, en racontant partout que j’ai fait « pression » sur lui en tant que « membre du conseil de surveillance de CMI », où j’ai siégé deux fois pour y représenter un point de vue des journalistes et qui ne se mêle absolument pas du contenu des journaux !

J’ai demandé à parler au téléphone à ce rédacteur en chef comme journaliste et spécialiste de l’extrême droite, pensant qu’il enquêtait sincèrement sur un sujet que je connaissais et que je pouvais l’aider en lui donnant des infos… Comme je le fais régulièrement avec mes collègues de Marianne, encore récemment à propos des Frères musulmans et de l’Union européenne. Sauf que dans le cas précis, les éléments en ma possession n’allaient pas dans son sens et qu’il s’est vexé.

Notre différend commence en juillet 2020. Apprenant qu’il mène une enquête à charge contre Thomas Nlend, qu’il accuse d’être un « escroc » et un ancien Soralien voulant noyauter le cinéma français, une accusation lourde, je propose ce qu’on se parle pour échanger nos impressions. Je suis moi-même en train d’enquêter sur Thomas Nlend, je vérifie son discours, les traces qu’il a laissées, je rencontre des gens qui l’ont connu à l’époque, je n’ai pas toutes les réponses encore, mais la conviction qu’il dit vrai sur son infiltration et qu’il a bien travaillé pour le compte de Noël Dubus, qui le confirme. Des points restent encore flous, je n’ai pas fini mon enquête, d’où l’envie aussi d’échanger avec ce confrère. En revanche, je suis certaine que l’accusation d' »escroquerie » sur le scénario du film Challenger, lancée dans tout Paris par deux producteurs, n’est pas fondée.

En fait « d’escroquerie », il s’agit d’un banal différent commercial à propos d’un scénario rendu, que j’ai lu, mais que ces producteurs n’ont pas voulu payer dans son intégralité tant que le film n’était pas entièrement financé. Ce qui arrive souvent dans le cinéma. Mis en demeure par l’agence UBBA, qui les somme de respecter leur contrat, les producteurs ont contre-attaqué en parlant d’ « escroquerie » puis en changeant de tactique : prétendre découvrir le passé soralien de Thomas pour casser le contrat. Une version purement tactique que Gabriel Libert a pris pour argent comptant.

En réalité, Thomas n’a jamais caché son passé aux producteurs avec qui il travaille. Deux d’entre eux me l’ont confirmé. Mais surtout cela ne tient pas la route, ni  juridiquement, ni « moralement ». Car ces mêmes producteurs font tourner dans leurs films, y compris tout récemment, un certain Jérôme Le Banner… célèbre boxeur d’extrême droite, fan de Soral et de Dieudonné ! 

Difficile de l’ignorer. Il adore prendre des photos où il fait la quenelle, en l’occurrence elle m’est dédiée, en compagnie de Frédéric Chatillon… Or c’est l’homme qui est derrière Soral, et qui veut la peau de Thomas pour avoir torpillé le parti que Soral et Dieudonné devait lancer à sa demande (c’est raconté dans le livre) ! Ainsi les producteurs qui alimentent ces articles disent avoir cassé leur contrat avec Thomas parce qu’il a été soralien, alors qu’il est haï par Soral… Mais n’auraient aucun problème à tourner avec Le Banner qui fait des quenelles ?

Cela ne tient pas.

Loin de s’en tenir à la calomnie et au procès commercial, l’un des deux producteurs passe ses journées à appeler tout-Paris pour nuire à Thomas NLend, débarquant même parfois à l’improviste avec un dossier sous le bras… Il est allé si loin que Thomas vient de déposer plainte pour « harcèlement moral » et « dénonciation calomnieuse ».

Loin de rappeler ce contexte, pourtant édifiant, Gabriel Libert a refusé de considérer les éléments à décharge. J’ai dû donné le numéro de l’homme ayant géré l’infiltration de Thomas pour qu’il daigne l’appeler. Peu curieux, il n’a passé que six minutes au téléphone avec lui… L’homme lui a confirmé que Thomas NLend était bien infiltré chez Soral, mais Gabriel Libert n’a voulu révisé sa version pour autant. Il n’a pas non plus souhaité rencontrer Thomas Nlend qui lui proposait de lui fournir des pièces à conviction. En revanche, il a témoigné (par écrit) en faveur des deux producteurs dans le procès commercial qui les oppose à ce scénariste, tout en continuant à écrire sur ce sujet, en allant uniquement dans leur sens, dans le journal. Son attestation apparaît dans les conclusions juridiques des deux producteurs sous le numéro « pièce 41 ». Elle a été rendue public sur un site hostile à Thomas NLend.

Choquée par ces méthodes, j’ai demandé à mon journal de passer le droit de réponse de Thomas NLend pour, au moins, rétablir certains faits. Ce qui m’a valu la rancune tenace de ce rédacteur en chef adjoint, avec un acharnement dont le mystère finira bien par s’éclaircir.

Pendant des mois, obsédé à l’idée de me mettre en cause, ce rédacteur en chef adjoint va raconter que ce « Monsieur Antoine » n’existe pas, qu’il s’agit d’un faux témoignage, avant de découvrir qu’il s’appelle Noël Dubus et qu’il a bien l’habitude de rendre service aux Services pour des infiltrations !

C’est ce que j’ai conclu après des mois d’enquête, comme j’ai pu établir que Thomas était en bien l' »indic d’un indic », ce que j’écris en préface des Bouffons de la haine. Une formule finalement reprise par Gabriel Libert dans son dernier article publié contre Thomas NLend. Ce qui ne l’empêche pas de se contredire dans le même article. Il reconnait que Thomas NLend était « indic d’un indic » (et donc un infiltré) mais refuse de réviser son jugement initial, et le cogne à nouveau en écrivant qu’il tente de se réhabiliter en « prétendant » avoir infiltré le mouvement de Soral, dans un livre qu’il met donc en cause et que je préface… Une mise en cause de mon travail écrite dans Marianne, à laquelle je n’ai pas réagi pas ni répondu pour ne pas embarrasser mon journal.

Et ce n’est pas fini. Non seulement, Libert refuse de reconnaitre que j’avais raison, sur Dubus (et donc sur l’infiltration), mais il en vient à m’attaquer publiquement. En tweetant l’article d’Arrêt sur Image suscité contre moi, en m’accusant publiquement d’avoir fait « pression » sur lui et Natacha Polony… Alors que son enquête malhonnête est parue il y a plus d’un an, et qu’il me vise à mots couverts dans deux articles depuis dans mon propre journal !

D’où la réponse sur ce blog, et non sans Marianne, où il est le seul à s’être exprimé sur ce sujet et où je ne me sens plus libre d’écrire ce que je crois juste.

En résumé, ce rédacteur en chef adjoint fait pression sur moi, par tous ses moyens possibles, pour avoir osé le contredire. Le livre qui vient de sortir prouve qu’il avait tort depuis le début et il ne le supporte pas. Il me le fait payer au sein de mon journal, embarquant la Société des rédacteurs de Marianne qui, sans m’appeler ni vérifier, m’accuse à tort d’avoir porté des accusations infondées contre Libert (alors que le document produit prouve que je disais vrai).

Un climat très désagréable à vivre professionnellement. Et qui bien sûr régale la fachosphère et tous ceux qui ont intérêt à porter atteinte à ma crédibilité pour me faire payer d’avoir déjà dit vrai, souvent un peu plus tôt que les autres, contre Ramadan, Marine Le Pen, Zemmour ou Soral. Je ne suis pas inquiète. J’en ai vu d’autres et je sais que la vérité l’emporte toujours.

Pourquoi j’ai préfacé ce livre 

Je connaissais bien sûr ce climat, les mises en cause et les règlements de compte qui ne manqueraient pas de pleuvoir, lorsque j’ai choisi de préfacer ce livre, Les Bouffons de la haine

Ayant moi-même écrit dans Charlie Hebdo des articles dénonçant les méthodes de Nicolas Sarkozy et ses pressions sur la justice, vous imaginez bien ce que je pense de l’affaire Paris-Match / Takieddine. 

Je sais aussi que Thomas voulait simplement aider son ancien mentor, Noël Dubus, à trouver un journal pour vendre un scoop (la première interview de Sophie Pétronin). Il me l’a proposé… Et j’ai décliné. Ce qui l’a mené à mettre en relation Noël Dubus et Mimi Marchand pour Paris-Match en vue de la première interview donnée par l’ex-otage. Un début d’un engrenage où il n’a joué qu’un rôle mineur. La justice tranchera. Et c’est très bien ainsi. 

Allais-je le laisser tomber pour autant ? Sans mon nom à ses côtés, vu la complexité de cette histoire, sa mise en examen en cours et les attaques dont il fait l’objet, Thomas se serait fait déchiqueter. Injuste, et même insupportable quand on sait qu’il dit vrai sur son infiltration, ainsi que le prix payé pour avoir fait chuter Alain Soral. 

La lutte contre l’antisémitisme et l’islamisme lui doivent beaucoup. Ceux qui pensent ces combats importants pourraient au moins lire ce livre avant d’en juger. 

Pas seulement pour se faire une idée sur la réalité de cette infiltration, mais parce qu’il dévoile les secrets d’une mouvance soralienne toujours nocive, malgré les déboires de son gourou. C’est ce courant qui a permis l’alliance entre l’extrême droite et les islamistes, ainsi que la jonction entre les antivax et les antisémites. Lisez ce livre et vous verrez par vous-même combien il est important.  

Caroline Fourest

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