Etre « Charlie », c’est préférer la résilience

Sept ans et une pandémie plus tard, le souvenir des attentats de Charliemord toujours le cœur d’une douleur incandescente. Tout l’enjeu d’un deuil collectif est de réussir à transcender cette brûlure pour ne pas finir consumé mais plus éclairé. Les grands drames, les attentats ou une pandémie offrent toujours ce choix. Poursuivre l’œuvre de destruction ou préférer le sursaut.

Comme un fil gris à suivre dans l’obscu­rité, il n’est pas simple de distinguer l’antidote du poison. L’être humain n’est pas seulement guidé par la raison, il est pétri d’émotions. Cet alliage touchant fait de nous des êtres faciles à égarer, capables de nous mentir à nous-mêmes. Les antivax, par exemple, se racontent qu’il vaut mieux prendre le risque du virus que le risque du vaccin. Jusqu’à se mettre en danger.

La même leçon vaut pour les attentats. La peur semée par le terrorisme nous détruit plus sûrement que des balles et quelques fatwas. C’est le but. Nous déboussoler, nous pousser à la faute, de celle qui confortera la propagande des islamistes et leurs appels au martyre. C’est le cas lorsque nous passons de la colère légitime à la haine, du sursaut à l’affolement. En y cédant, nous poursuivons l’œuvre de mort ainsi semée. Et le piège se referme.

Dans la plupart des pays frappés par le terrorisme, l’opinion publique se met à délirer, hésitant d’un extrême à l’autre : la soumission ou la détestation.

Au fond, chacun se positionne selon son caractère : plutôt haineux ou plutôt peureux. Les grands drames révèlent ainsi les tempéraments. On peut les habiller de masques, se raconter qu’il ne faut pas « mettre de l’huile sur le feu » ou, à l’inverse, qu’il n’existe aucune différence entre islam et islamisme, ce ne sont que des mots pour dire : « J’ai eu peur, attendons que cela passe » ou, au contraire, « J’avais envie de sang. Frappons ».« La grande leçon des attentats contre Charlie, c’est que l’esprit des Lumières, le recul et l’insolence restent les meilleurs des antidotes à la folie fanatique. »

Il existe heureusement des graduations possibles. D’où l’importance des mots, des appels à la raison ou à l’idéalisme, qui redressent la colonne vertébrale, nous aident à maîtriser nos passions. Il ne s’agit en aucun cas de céder à la peur ou à la lâcheté, mais au contraire de nous tenir droits – et non voûtés. De transcender nos peurs, nos rancœurs, pour les transformer en phares, en repères communs.

La grande leçon des attentats contre Charlie, c’est que l’esprit des Lumières, le recul et l’insolence restent les meilleurs des antidotes à la folie fanatique. Les délaisser pour leur préférer l’abaissement nationaliste et raciste, cette passion pour le premier degré identitaire, serait une trahison de l’esprit du 11 janvier et de nos principes. Non seulement ce choix nous salirait, mais encore il nous empoisonnerait au lieu de nous soigner. Après tant de morts, à cause de la folie des hommes ou du virus, il est temps de préférer la résilience à la revanche.

Caroline Fourest, Marianne, 7 janvier 2022