Un vagin ne fait pas l’élection

Compter cinq femmes en compétition pour la présidentielle permet de prendre conscience qu’elles portent avant tout des idées, cinquante nuances de gris et de brun, qui les départagent comme les hommes. Sauf peut-être en matière de style. Les femmes politiques, nous dit-on, se montrent légèrement moins matadors, moins prédatrices, que leurs équivalents masculins.

C’est moins une question de nature que de pouvoir. Mais le candidat le plus obsédé par la biologie et l’identité, Monsieur Z, vous expliquera que la féminité « empêche les femmes d’incarner le pouvoir ». Lui-même croit pouvoir devenir président grâce à ses organes reproductifs. Il suffit pourtant de le regarder se pencher sur un micro censé rappeler de Gaulle pour mesurer qu’il manque quelque chose.

En paroles, l’homme est bon jouteur. Sur un vrai ring de boxe, s’il s’agissait de distribuer de vraies torgnoles et non des punchlines, il ne tiendrait pas deux secondes face à sa rivale, Madame L, bien plus haute et baraquée, et pas seulement dans les sondages. Pris de vertige et pointilleux en matière vestimentaire dès qu’il s’agit des femmes, Monsieur Z décrit « ses hauts talons » comme étant sa « seule concession à sa part féminine ».

Ce qui revient à reconnaître que chacun possède une part masculine et une part féminine. « Incarner le pouvoir » a donc moins rapport avec nos organes qu’avec ces tempéraments, forgés par des siècles de conditionnement. La société a longtemps incité les hommes à paraître et les femmes à disparaître, les hommes à prendre et les femmes à être prises. Voilà qui sculpte logiquement des générations d’hommes sûrs d’eux, volontiers vantards, parfois paresseux, capables de désirer le pouvoir, et parfois d’en abuser.« Les partis masculinistes n’ont aucun problème à laisser des femmes les représenter tant qu’elles prolongent le nom et le sang du patriarche. »

Pour que les femmes arrivent au même rang, il leur faut surmonter ­l’assignation à la « féminité », cette ­incitation à rester discrètes et effacées, et tout « déconstruire », en plus de mener souvent des journées doubles, au travail et à la maison. Voilà pourquoi les femmes politiques sont, généralement, plus travailleuses que leurs collègues masculins.

Il existe bien sûr des exceptions. Les héritières, par exemple. Les partis masculinistes n’ont aucun problème à laisser des femmes les représenter tant qu’elles prolongent le nom et le sang du patriarche, comme la petite fille de Mussolini, en Italie, ou Mme Le Pen. Leur visibilité ne doit guère au talent ou au travail acharné. En comparaison, la droite républicaine a mis plus de temps à désigner une candidate, mais Valérie Pécresse ne doit son nom politique à personne, travaille, et l’a emporté à l’issue d’une vraie compétition. Dans les deux cas, l’identité de genre, un pénis ou un vagin, ne suffira jamais à faire ou défaire une élection. Une érection peut-être. Une élection, c’est plus compliqué.

Caroline Fourest, Marianne, 10/12/2021