Décidément, le candidat de La France insoumise n’en finit plus de se débattre avec les démons identitaires et ses mises en concurrences, déplore Caroline Fourest. Sans attendre ce naufrage, les regards se tournent du côté de Fabien Roussel, l’étoile montante de la gauche républicaine.
C’est plausible tant Jean-Luc Mélenchon se donne du mal pour torpiller son radeau. Quand il n’accuse pas la loi contre le séparatisme de viser à persécuter les musulmans, ses détracteurs d’être vendus aux « divers réseaux d’influence du Likoud », ou les « divers réseaux d’influence du Likoud » d’avoir eu la peau de Jeremy Corbyn (en réalité mis en cause par des travaillistes pour ses accointances antisémites), Jean-Luc Mélenchon estime qu’Éric Zemmour n’est pas antisémite… Mais victime de « scénarios culturels » liés à la tradition juive. Ce qui revient tout de même à faire porter la faute du nationalisme maurrassien sur le judaïsme.
Sa sortie de route a logiquement choqué, contraignant le capitaine à concéder une « maladresse ». Mais, dans un message au vitriol publié sur Facebook, sa proche conseillère, Sophia Chikirou, préfère traiter de « malades mentaux » ceux qui se sont émus. Elle croit même déceler dans ce « Mélenchon bashing » la preuve d’un deux poids, deux mesures radioactif : « Considérer que le judaïsme est essentialiste, non universaliste, serait-ce un blasphème ? Un acte antisémite ? Attendez : je croyais que nous étions dans un pays qui peut critiquer les religions à sa guise ? Toutes, quelles qu’elles soient ? »
Cela ne vous rappelle rien ? En quelques lignes, cette ligne de défense vient réhabiliter le refrain cher à Dieudonné et à Alain Soral. En jouant sur la même partition : sous-entendre qu’on peut critiquer l’islam mais pas le judaïsme, grâce à un glissement de registre. La sortie de Jean-Luc Mélenchon ne relève pas d’une simple critique du judaïsme (essentialiste, comme toutes les religions). Il s’agit de sous-entendre que Zemmour est raciste en raison de sa religion. Ce n’est en rien un blasphème. Cela ne mérite pas d’être condamné par les tribunaux.
Mais cela révèle une vision des êtres où les idées maurrassiennes de Zemmour ne viennent pas de sa passion pour Jacques Bainville mais de son origine. Décidément, le candidat de La France insoumise n’en finit plus de se débattre avec les démons identitaires et ses mises en concurrences. Quand un Alain Soral chantonne « L’ennemi, ce n’est pas l’islam, c’est Wall Street » lui, fredonne une partition plus fine :« L’ennemi, ce n’est pas le musulman, c’est le financier ». Ce n’est pas la même chose. Jusqu’au dérapage de trop, qui fera sauter le cordon de sécurité.
Sans attendre ce naufrage, les regards se tournent du côté de Fabien Roussel, l’étoile montante de la gauche républicaine. Crédible, fédérateur et constructif, lui propose de rendre plus souvent inéligibles des candidats condamnés pour avoir tenu des propos incitant à la haine. À condition que les juges continuent à bien distinguer la critique des religions du racisme, cette exigence relèverait le niveau politique.
Caroline Fourest, Marianne, 5 octobre 2021.
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