Notre alliance euroatlantique fuit de partout. Un dégât des eaux qui s’est vu dans l’affaire australienne. Une volte-face qui nous parle du monde d’après. Que l’Amérique ne veuille plus jouer le rôle du gendarme du monde en dehors du Pacifique, c’est son choix. Mais la France ne peut laisser le vide s’installer.
Avons-nous encore notre place au sein du commandement intégré de l’Otan (Organisation du traité de l’Atlantique Nord) ? Entre deux débats rabougris sur la peine de mort ou les prénoms « bien de chez nous », la question se pose.
Notre alliance euroatlantique fuit de partout. Un dégât des eaux qui s’est vu dans l’affaire australienne. Une volte-face qui nous parle du monde d’après. En cette époque traumatisée par le coronavirus, l’opinion publique américaine, repliée et inquiète, n’a plus qu’une obsession à l’international : la Chine.
Pékin l’a bien cherché. Sa stratégie de conquête économique représente une menace planétaire. Donald Trump a mené deux fois campagne sur ce sujet. Steve Bannon, le stratège de l’alt-right a su gonfler cette crainte sur les réseaux. La cause des Ouïgours, qui n’intéressait personne il y a quinze ans, préoccupe désormais la jeunesse occidentale, loin devant le sort des femmes afghanes.
UNE AUTRE VOIX, CELLE DE LA FRANCE
Le vampirisme chinois inquiète aussi en Europe. Il ne peut devenir notre obsession au point de nous faire oublier tous les défis du monde. À commencer par la fournaise du Moyen-Orient, où la démission américaine laisse le champ libre à Al-Qaida, aux services secrets pakistanais et à l’Iran. L’Europe sera la première touchée par la prochaine floraison de cellules djihadistes. Cette menace nous interdit de dépendre d’une opinion publique américaine aussi polarisée qu’hémiplégique.« Des milliards ont été engloutis dans l’opération en Afghanistan – si mal menée de bout en bout par l’Amérique. Pour quel résultat ? »
Que l’Amérique ne veuille plus jouer le rôle du gendarme du monde en dehors du Pacifique, c’est son choix. La France ne peut laisser le vide s’installer. Comme le rappelle souvent le géopolitologue Frédéric Encel, elle reste une grande puissance, militaire et maritime. Son PIB vaut plus que celui de la Russie – dont l’influence est décuplée par la brutalité.
Grâce à la francophonie, à une autre vision du monde, en se rapprochant de puissances régionales délaissées, en bâtissant une Europe de la défense, la France peut faire entendre une autre voix. Encore faut-il réorienter une partie de nos investissements militaires. Le fait de participer à l’Alliance atlantique coûte cher. Des milliards ont été engloutis dans l’opération en Afghanistan – si mal menée de bout en bout par l’Amérique. Pour quel résultat ?
L’Alliance reste un bouclier nécessaire face à l’ingérence russe et à ses tentatives de déstabilisation. Mais l’opinion française n’a pas pris conscience de ce danger, sournois et stratégique. En revanche, elle voit la menace djihadiste et ne comprend plus la présence dans l’Otan de la Turquie, cet État membre à la dérive, capable de mener des campagnes islamistes contre la France et de bombarder nos alliés kurdes… Sans susciter aucune réaction. Emmanuel Macron est allé jusqu’à parler de « mort cérébrale » à propos de l’Otan. Ce constat peut réunir les Français, des souverainistes aux déçus de l’isolationnisme américain. Un consensus si rare, si gaullien, qu’il trace un chemin vers une sortie possible.
Caroline Fourest, Marianne, 24/9/2021
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