Lorsque nos comptes Instagram ne seront plus saturés d’appels au secours (des langues qu’on aura pendues), on nous expliquera que les talibans seraient devenus de doux hipsters sans le droit d’ingérence, ou que la burqa redevient tendance à Kaboul. On peut tendre le micro aux chefs talibans, pas devenir leur petit télégraphe.
La brutalité des talibans choque. Même ceux qui voudraient nous convaincre, après chaque attentat, que le malheur ne vient pas du fondamentalisme mais de la démocratie laïque. Le fanatisme qu’ils trouvent si exotique en France les perturbe bizarrement en Afghanistan. Après avoir conté sa fascination pour la violence des Kouachi et signé des deux mains une tribune rendant l’Occident responsable du terrorisme, une célèbre écrivaine pleure sur le sort des Afghanes.
À ce rythme, les féministes intersectionnelles finiront par s’apercevoir que les intégristes sont misogynes. Des machistes se disent bien féministes dès qu’il s’agit de l’Afghanistan… Pourquoi pas les gauchistes ? Quand l’Amérique voulait protéger les Afghans, il fallait les laisser crever. Maintenant que l’Amérique les abandonne, il faut les sauver !
Rassurez-vous, cela ne va pas durer. Lorsque nos comptes Instagram ne seront plus saturés d’appels au secours (des langues qu’on aura pendues), on nous expliquera que les talibans seraient devenus de doux hipsters sans le droit d’ingérence, ou que la burqa redevient tendance à Kaboul. Il y a peu, une jeune influenceuse woke a posté un selfie en burqa : « Embrassons la diversité ! » Mauvais timing.
TALIBANS MAIS « INCLUSIFS »
Il doit bien rester un billet pour Kaboul (c’est dans l’autre sens que les avions sont complets). D’ordinaire plus avisé, notre ministre des Affaires étrangères a osé appeler de ses vœux un gouvernement « inclusif » montrant que les talibans ont changé. De l’humour Quai d’Orsay, vite rectifié. Il demandait à voir. On a vu.
Juste avant, le compte Twitter d’Arte nous vendait un reportage très « inclusif » : « Il y a beaucoup d’idées reçues au sujet des talibans. En Afghanistan, les chefs talibans nous ouvrent leur porte pour défendre leur mode de vie et leurs pratiques. Attention, certaines images peuvent heurter la sensibilité des internautes. » Ne manquaient que les recettes de cuisine. Le message a été retiré.« Il faut être fou (ou diplomate) pour croire qu’un militant taliban peut respecter la démocratie. »
On peut tendre le micro aux chefs talibans, pas devenir leur petit télégraphe. Pour France Inter, il m’est arrivé d’interviewer leur porte-parole, Abdul Salam Zaeef, à sa sortie de Guantanamo, lors d’un colloque improbable organisé par un magazine indien à Goa. Pendant trois heures, les palmiers à la fenêtre, nous avons débattu du droit d’exception de Guantanamo, des droits de l’homme, des femmes, et même de la charia…
Transpirant, mon interlocuteur a fini par mettre un terme à l’entretien pour appeler un médecin. Les dieux étant de mon côté ce jour-là, nous nous sommes retrouvés le soir même pour prendre le même avion, avec des sièges côte à côte ! Un vol passé à regarder « Les Schtroumpfs » (film qu’il pensait truffé de micros espions américains) et à lui infliger un cours sur les vertus de la laïcité. Nous nous sommes quittés très civilement. Mais il faut être fou (ou diplomate) pour croire qu’un militant taliban peut respecter la démocratie.
Caroline Fourest, Marianne, 27/8/2021
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