L’urgence planétaire

À part quelques clairvoyants, personne n’aurait pu prédire la pandémie mondiale que nous traversons. Il existe bien des excuses à notre impréparation. On ne peut pas en dire autant du réchauffement climatique. Quand nos descendants, moins nombreux et qui n’auront peut-être jamais mangé de légumes ni entendu parler d’un pangolin, chercheront dans les archives numériques, ils trouveront mille alertes. Et se demanderont, furieux, pourquoi nous n’avons pas réagi plus tôt. Il faudra qu’un ancien leur explique. L’illusion d’une planète à toute épreuve dans laquelle nous avons grandi, la difficulté de changer de vie à l’échelle d’un monde.

Il faut parfois être au pied du mur pour sauter. Nous y sommes. Tous les signes d’un climat détraqué sautent aux yeux. Des records de chaleur, des saisons et des vendanges qui se décalent, des nuées de frelons asiatiques en Europe, des arbres qui prennent feu, des inondations, des cigognes qui ne volent plus, la calotte polaire qui fond au risque de libérer de nouveaux virus…

« SEUIL DE RUPTURE »

Sur terre, le constat du réchauffement brûle la rétine. En mer, loin des regards, c’est encore plus inquiétant. L’Amoc – sigle anglais signifiant « circulation méridienne de retournement atlantique » et désignant ce courant marin de l’océan Atlantique régulant le thermostat de notre planète, dont la surface est recouverte à 72 % d’eau – mijote à en perdre la boussole.

De sa salinité, de sa densité et de sa température dépend notre climat. Or il vient d’atteindre son flux le plus faible depuis un millénaire. Sous l’effet des gaz à effet de serre émis par l’homme, les océans se réchauffent de façon spectaculaire.« La liberté individuelle, ce trésor, devient un bijou d’égoïsme quand elle menace la survie. Le sanitaire et l’environnement nous le rappellent cruellement. »

C’est ce que rapporte la revue Climate Change en se fondant sur les études de scientifiques du Potsdam Institute for Climate Impact Research. Des chercheurs convaincus que nous venons de franchir un « seuil de rupture » un point de bascule, au risque d’un « effet papillon » sans précédent.

EXPLORER TOUTE LES PISTES

Notre prise de conscience s’accélère. La sensibilité écologique des nouvelles générations en témoigne. Mais, comme pour le virus, nous réagissons trop lentement. Les plus optimistes misent sur le progrès pour aspirer les émissions de gaz à effet de serre et les convertir en énergie propre.

Les plus pessimistes voudraient revenir en arrière, que l’on cesse de prendre l’avion et de croître de toutes les façons. L’écologie punitive, de par son effet repoussoir, nous fait perdre du temps. Mais elle a raison d’exiger que l’on change de comportement. L’espoir, peut-être illusoire, de découvertes qui ralentiront le réchauffement ne doit surtout pas servir à reporter nos efforts.

Comme pour la pandémie, nous n’avons plus le temps d’attendre un miracle ou la bonne volonté de tous. Toutes les pistes doivent être explorées. L’innovation, la responsabilisation, la culpabilisation, la régulation et les sanctions. La liberté individuelle, ce trésor, devient un bijou d’égoïsme quand elle menace la survie. Le sanitaire et l’environnement nous le rappellent cruellement.

Caroline Fourest, Marianne, 13/8/21