
Samedi. 1h du matin. Atterrissage à Bagdad
Le président français a invité des parlementaires, des journalistes, des acteurs de la culture et du patrimoine, Nadia Murad (Prix Nobel de la Paix) et moi-même, à l’accompagner en Irak.
Le but de cette conférence régionale, impulsée par Paris et Bagdad, était de réunir autour d’une même table l’Arabie saoudite, les Emirats Arabes Unis d’un côté et le Qatar, la Turquie et les Iraniens de l’autre. Des forces antagonistes, qui se querellent depuis des années.
L’Iran, la Turquie et le Qatar manipulent des groupes islamistes pour étendre leur influence et s’ingérer en Irak. L’enjeu est donc sa souveraineté mais aussi notre sécurité à tous.

Sauf qu’à Bagdad, le portrait du général iranien tué par Trump, Soleimani, est partout… Et que l’Etat fédéral irakien finance officiellement les milices chiites.
Ce dialogue renoué reste un pas nécessaire pour espérer desserrer l’étau.

Mémorial des martyrs de Bagdad
Portraits de Yézidis génocidés par Daesh.


Aux côtés de Nadia, j’ai insisté sur la responsabilité dramatique de l’Iran et de la Turquie dans ce chaos dont les Yézidis sont les premiers à souffrir.

Dimanche matin. Départ pour Mossoul
Dans les rues, l’émotion égalait la tension. Dans les rues, on pouvait voit les visages défaits des collabos de Daech. Et le sourire de leurs voisins, fous de joie de voir qu’une délégation officielle s’intéresse à leur sort.

A Notre-Dame de l’heure, cette Eglise ancienne attaquée par Daech, des petites filles dansaient. Une joie qui leur aurait coûter la mort sous Daech. Les enfants réclamaient des « souras », des photos, des selfie, et leurs yeux un avenir.

A l’intérieur de l’Eglise — que des Fondations incroyablement efficace comme Aliph réparent —, des représentants chrétiens ont dit leur peur du fanatisme, leur souhait de retrouver l’esprit de paix entre les religions, et supplié la France de continuer à les accompagner sur ce chemin.
Emmanuel Macron a annoncé la réouverture d’un consulat à Mossoul, des aides pour désenclaver la ville et reconstruire son aéroport.

La délégation française s’est ensuite rendue à la Mosquée Al Nouri, d’où Al Bagdadi a lancé son « califat » en 2014, avant de nous déclarer la guerre. Il n’est plus, ni lui ni son simulacre d’Etat islamique. Avant la déroute, ses hommes ont dynamité la Mosquée et son minaret, pour que personne ne puisse revenir.

Les explosifs n’ont pas tous marché. Le dos tourné au même mur, le président Macron s’est félicité de sa rénovation en cours, grâce à la l’UNESCO.
Les obscurantistes détruisent. Les démocrates rebâtissent.

A Erbil, la France et son président ont été accueilli par nos alliés kurdes irakiens en « frères d’armes », par des rangées de peshmergas dès le tarmac et des défilés de drapeaux français dans les rues de la ville.
Le président du Kurdistan, Netchirvan Barzani, a remercié la France pour son soutien fidèle et constant. Il a insisté sur le nécessité de maintenir ce lien, à tout prix, pour éviter la libanisation de l’Irak et sa déstabilisation par les milices chiites. Il a prévenu la France : l’humiliation des sunnites les poussera de nouveau dans les bras Daech.
Un danger bien réel.
Avant de reprendre l’avion pour Paris, j’ai eu l’honneur de présenter les combattantes du soleil, des femmes Yézidis devenues soldates pershmergas dont on voit les visages dans mon film « Sœurs d’armes ». Nous avons tourné ensemble quelques scènes en Irak que j’ai ensuite inséré au montage dans ce film de fiction.

Ma quatrième visite à leur rencontre en Irak. Lorsque les combats faisaient rage contre Daech à Mossoul, je pouvais me rendre dans leur base de Sinjar, tout juste libérée des jihadistes.

Aujourd’hui, ni Nadia Murad ni les filles du soleil ne peuvent retourner en toute sécurité rendre dans cette ville martyr des Yézidis. Toutes plaident pour qu’on leur rende ce droit, leur terre, et enfin la paix.

Le président français a rendu hommage à leur courage.

Les kurdes de Syrie restent abandonnés face aux Turcs depuis le retrait américain voulu par Donald Trump.
Quelle que soit l’attitude des Etats-Unis en Irak, la France a promis de rester aux côtés de ses alliés. Son devoir et son honneur.
Caroline Fourest
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