Virus : Nous ne sommes plus dans la même galère

Aux premiers temps de la pandémie, nous étions unis. Tous frappés par la soudaineté de cette crise et l’impact de ce maudit virus sur nos vies. Étonnés d’être capables de garder notre calme, de respecter le confinement, et même de s’échanger de bonnes blagues sur les réseaux sociaux. Ce qu’aucun scénariste de film catastrophe n’aurait imaginé.

L’épreuve a duré et notre nature belliqueuse a repris le dessus. Les grands drames ne transforment pas les êtres. S’ils sont rationnels et patients, ils se transcenderont. S’ils sont craintifs et paranoïaques, ils ne feront qu’empirer.« Il devient inévitable de se déchirer. Il y a ceux qui en veulent aux réfractaires et ceux qui préfèrent blâmer l’État pour leur propre irresponsabilité. »

À force de contraintes et de privations, chacun a fini par perdre patience, les rationnels comme les paranoïaques, par en vouloir à son gouvernement, partout dans le monde. C’est normal. C’est humain. Et parfois justifié.

Quand l’humain tourne en rond, sans pouvoir se projeter, ni agir sur ce qui l’entrave, il rumine, et il blâme. L’État ou les autres, c’est au choix. Un temps, ce fut la responsabilité de l’État, qui n’allait pas assez vite pour nous fournir en masques et vaccins. Ce n’est plus le cas. Dans les pays riches et privilégiés, il existe désormais assez de doses disponibles. Notre immunité collective ne dépend plus des progrès de la science ni du gouvernement, mais des autres… De ceux qui refusent de se faire vacciner.

À partir de là, il devient inévitable de se déchirer. Il y a ceux qui en veulent aux réfractaires et ceux qui préfèrent blâmer l’État pour leur propre irresponsabilité.

QUELLE SOLUTION POLITIQUE ?

Du point de vue des politiques publiques, il n’existe pas mille solutions. L’option darwinienne serait de tout ouvrir et de laisser les gens mourir. L’option autoritaire serait de vacciner de force les récalcitrants. La solution paternaliste consiste à confiner tout le monde. La solution intermédiaire consiste à ne pas imposer la vaccination mais à réserver les lieux et les événements potentiellement contaminateurs aux seuls vaccinés. En un mot : le passe sanitaire.

On peut discuter de ses contours. Se demander s’il faut vraiment l’appliquer à tous les loisirs, s’il n’est pas excessif d’aller jusqu’aux restaurants et aux cinémas. Ce dialogue démocratique, nécessaire, suppose un peu de bonne foi de part et d’autre.

Malgré l’écœurement que peuvent inspirer les manifestations anti-passe, leurs slogans abjects d’enfants pourris gâtés se comparant aux victimes du nazisme et le quasi-lynchage d’un pharmacien, il faut parvenir à entendre l’inquiétude légitime des anti-passe, qui ne sont pas tous antivax.

En retour, s’ils veulent être écoutés, les anti-passe vont devoir faire le ménage, se séparer clairement des antivax, condamner leurs délires. Sinon, nous n’aurons bientôt plus rien à nous dire. Et la solution darwinienne s’imposera, de fait, aux non-vaccinés. Cela ne sera même pas la faute de l’État. Ils en porteront seuls la responsabilité.

Caroline Fourest, Marianne, 6/8/2021