Après l’Allemagne, l’Arménie, la Belgique et tout récemment les Pays-Bas, la France doit reconnaître officiellement le génocide yézidi. Une catégorie juridique strictement définie par le statut de Rome comme la « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ». C’est ce qu’a vécu la communauté kurdophone des Yézidis. Dans la nuit du 3 au 4 août 2014, des hordes de djihadistes ont fondu sur la petite ville de Sinjar pour soumettre cette minorité qu’ils considèrent comme des sous-êtres et des « adorateurs du diable ».
Vieille de sept mille ans, cette religion vénère des symboles ancestraux que l’on retrouve à travers toute la Mésopotamie, comme l’ange-paon (« l’émanation de Dieu »). Une hérésie pour les suprémacistes islamistes. Le génocide de 2014 vient après des décennies de persécutions et de pogroms endurés sous l’Empire ottoman. Des siècles de propagande haineuse et déshumanisante ont permis cet acmé génocidaire.« Quelles leçons aurions-nous tirées de la Shoah si Hitler et ses lieutenants avaient été jugés comme simples chefs terroristes ? »
Décomplexés et sûrs de leur bon droit, les hommes de Daech sont entrés dans les villages yézidis pour briser leur culture par tous les moyens, séparant les hommes des femmes pour les exécuter dans les montagnes, évaluant la virginité des femmes pour les vendre comme du bétail. Les enfants ont été raptés, drogués et emmenés dans des camps de rééducation, où des maîtres fanatiques leur ont appris à détester leur religion et à décapiter au nom de l’islam.
Le génocide yézidi cumule tous les sévices qui peuvent défigurer l’humanité : l’extermination, la colonisation et l’esclavage. Sa reconnaissance au niveau international ne fait aucun doute. Des enquêteurs internationaux ont commencé à travailler quelques semaines seulement après cette première nuit d’horreur, faisant du génocide yézidi le premier génocide à être documenté si rapidement, quasi en temps réel.
LONG PROCESSUS
Mais leur travail a été entravé par la bureaucratie et un terrain miné, deux pays en guerre, l’Irak et la Syrie, qui n’ont pas signé le statut de Rome. C’est à l’étranger que la reconnaissance du génocide yézidi progresse, grâce aux témoignages de ses survivants et à l’action des ONG.
Dès 2016, des parlementaires français ont voté une résolution pour reconnaître le « génocide » en cours. Le faire au nom de la France permettrait de juger les djihadistes français qui y ont participé pour « crimes contre l’humanité » – et non simplement pour « participation à une organisation terroriste ».
C’est un processus plus long, des crimes plus délicats à établir, mais qui valent des peines plus longues, donc plus justes. C’est l’enjeu de cette reconnaissance. Rendre justice aux victimes et surtout désamorcer des siècles de haine anti-Yézidis. Quelles leçons aurions-nous tirées de la Shoah si Hitler et ses lieutenants avaient été jugés comme simples chefs terroristes ?
Caroline Fourest, Marianne, 6/8/2021
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