Pas de miracles pour la République

C’est une image qui éclipse une politique. Emmanuel Macron semblant communier, les mains jointes, le regard vers le ciel. Certes, il ne fait que saluer un pèlerin. Mais l’image a troublé. Surtout prise à Lourdes, à l’entrée du sanctuaire où Bernadette Soubirous crut avoir vu la Vierge. La presse n’a pas manqué d’insister sur le caractère exceptionnel de cette visite, saugrenue et déplacée.

Avant lui, aucun président de la République n’avait souhaité pénétrer ce sanctuaire. Pas même le très catholique de Gaulle. Le Général ayant entonné un Magnificat à Notre-Dame pour la Libération de Paris ne communiait jamais en public comme président.

Emmanuel Macron n’a pas communié, mais il a donné le sentiment que la République attendait un miracle. Tout en caressant un peu « lourdement » les catholiques dans le sens du poil identitaire.

EMMANUEL MACRON N’A RIEN D’UN « ATHÉE PRIMAIRE »

Contrairement au reproche d’un catholique bruyant et énervé, Emmanuel Macron n’a rien d’un « athée primaire ». Il y a même quelque chose de très chrétien, un reste d’éducation jésuite, puis l’influence d’un Paul Ricœur, qui perce dès qu’il est en campagne. Le président doit rester celui de tous les Français. Ce « en même temps » existe à l’évidence.

Pas plus qu’aux apparences, il ne faut se fier aux apparitions. L’image de Lourdes ne saurait effacer le tournant républicain et laïque d’Emmanuel Macron, bel et bien opéré depuis le discours des Mureaux et la décapitation de Samuel Paty.

La même semaine où le président visitait la grotte de Bernadette, son Premier ministre annonçait la mise en place d’un comité interministériel de la laïcité. Un outil stratégique accompagné de 17 mesures concrètes, notamment pour former l’ensemble des fonctionnaires à la séparation des Églises et de l’État. Ambitieux et précieux.

LA RÉPUBLIQUE RÉELLEMENT VIGILANTE REPREND LES RÊNES

Ce comité sera piloté depuis le ministère de l’Intérieur et un nouveau « bureau de la laïcité » qui vient à point nommé équilibrer le très ambigu « bureau chargé des relations avec les cultes ». Ce n’est pas aussi spectaculaire qu’un bain de foule à l’entrée d’une grotte. Et pourtant, voilà une avancée concrète, que les militants laïques attendaient comme le Messie.

Elle entérine une décision courageuse : l’enterrement de l’Observatoire de la laïcité, défendu bec et ongles en coulisse par les réseaux ségoléniens, catholiques, protestants, fréristes, et tous les partisans de la « laïcité ouverte ». À raison, puisque cette autorité était leur meilleur atout, leur porte d’entrée, au sein des institutions. De celle qui chouchoutait les communiants pro-voile de Coexister (dopés aux subventions publiques sous Hollande), pour expliquer Charlie et la laïcité à la jeunesse !

En remplaçant l’Observatoire par un comité interministériel, la République réellement vigilante reprend les rênes. Encore une preuve que la République n’a pas besoin de miracles. Juste de détermination.

Caroline Fourest, Marianne, 23/7/2021