« En France, campagne oblige, le candidat Macron sera évalué à l’aune du culot d’un Joe Biden et de son plan de relance massif. Car le prochain président devra réparer et relancer. Aucun candidat, centriste ou de droite, ne peut imaginer braquer les voix d’une gauche, même agonisante, sans un plan à la Roosevelt », écrit notre chroniqueuse Caroline Fourest.
L’Amérique peut tomber bas, mais elle rebondit vite. Joe Biden sera l’homme de ce rebond. Trump le disait « assoupi ». La droite le caricaturait en « woke », trop éveillé. On le traite maintenant de « communiste » en raison de son plan de relance, gonflé aux stéroïdes.
La réalité, c’est que Joe Biden, ce vieil homme blanc milliardaire, n’a plus rien à perdre et veut le meilleur pour son pays. Contrairement à la gauche identitaire, il a compris que la gauche devait d’urgence redevenir populaire. S’adresser aux déclassés, à ceux qui morflent, quelle que soit leur couleur de peau. C’est le meilleur moyen de ressouder les rangs, de lutter contre la polarisation qui déchire, d’éteindre la haine et les feux qui étouffent.
PRAGMATISME
Les néolibéraux nous vantent souvent le modèle américain, son taux d’imposition bas et son amour de la réussite. Sa grande qualité n’est pas d’aimer les riches, mais de se montrer pragmatique. D’ouvrir les frontières quand la circulation des capitaux créée de la richesse, de jouer la carte du protectionnisme quand le rapport de force le permet. De s’endetter pour miser sur la coproduction du vaccin.
Puis de continuer à investir pour sortir au plus vite de la crise. Le plan de relance de Biden, massif, 2 300 milliards de dollars, a surpris. Un vrai pari à la Roosevelt. Une ampleur qui permet d’espérer transformer une crise en opportunité. Moderniser les infrastructures. Accélérer la transition énergétique et écologique. Créer des emplois, et donc réduire les inégalités. Coûteux, mais populaire.
ESPRIT DE RELANCE
En France, campagne oblige, le candidat Emmanuel Macron sera évalué à l’aune de ce culot. Olivier Faure se dit « Biden plutôt que Macron ». Les néolibéraux s’amusent. Si Macron devait s’aligner sur Biden, il devrait baisser drastiquement les impôts ! Même après ces annonces, l’Amérique reste loin, très loin, des taux d’imposition français.« Personne n’a le temps d’attendre que l’eau ruisselle. Il faut arroser, et massivement. Le prochain président ou la prochaine présidente devra réparer et relancer. »
La leçon à tirer n’est pas là. Elle concerne l’esprit de relance. Au plus fort de la crise, encore secoué par la colère des « gilets jaunes », Emmanuel Macron a su mettre de côté certaines obsessions pour soutenir l’économie et le social « quoi qu’il en coûte ». À l’issue de cette crise, il ne peut reprendre le logiciel de sa campagne, rêver à la réussite des plus entreprenants dans l’espoir d’un hypothétique « ruissellement ».
Personne n’a le temps d’attendre que l’eau ruisselle. Il faut arroser, et massivement. Le prochain président ou la prochaine présidente devra réparer et relancer. Revaloriser les premières lignes, sauver le pouvoir d’achat des plus faibles, et relancer une économie plus verte et plus redistributrice. C’est son mandat le plus urgent. Aucun candidat, centriste ou de droite, ne peut imaginer braquer les voix d’une gauche, même agonisante, sans un plan à la Roosevelt.
Caroline Fourest, Marianne, 7/5/2021
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