« Paris Police 1900 », « Lupin », « En thérapie » : ces séries françaises qui réconcilient

Aucune chaîne française ne pourrait produire « Game of Thrones » (jusqu’à 15 millions de dollars par épisode). Avec 10 % de cette somme, Canal + parvient néanmoins à forger de petits bijoux comme « Baron noir », « Le Bureau des légendes » ou, récemment, « Paris Police 1900 ».

Puissamment universaliste, la série possède l’art de nous fédérer d’un bout à l’autre du globe. C’est encore plus vrai depuis le succès des plates-formes. Une frénésie stimulante. Vu le niveau de la vague, les séries françaises auraient pu s’y noyer. Elles ont su se dépoussiérer et cela paye. « Lupin », produit par Gaumont pour Netflix, a franchi le cap des 70 millions de vues en quelques semaines, battant « Le Jeu de la dame » et « La Casa de papel ».

Aucune chaîne française ne pourrait produire « Game of Thrones » (jusqu’à 15 millions de dollars par épisode). Avec 10 % de cette somme, Canal + parvient néanmoins à forger de petits bijoux comme « Baron noir », « Le Bureau des légendes » ou, récemment, « Paris Police 1900 ». Une plongée noire dans le Paris de la Belle Époque, ses ligues antisémites, ses maîtres chanteurs et ses maîtres bouchers. À condition de ne pas s’identifier aux ennemis de la police, la jeune génération réalisera la violence historique du racisme anti-juifs dans ce pays. Combien les marchands de haine 2.0 ne font que reprendre la boutique des frères Guérin et d’Édouard Drumont. Elle comprendra peut-être que des scénaristes hommes masculins peuvent redonner vie à des personnages féminins puissants, comme Jeanne Chauvin, l’une des premières femmes avocates.

Transmettre l’Histoire est toujours un défi pour le service public. Les séries historiques coûtent cher, en costume et en décor, au prix de devoir renoncer parfois à une réalisation capable de capturer l’attention du jeune public. « Les Aventures du jeune Voltaire » ont su trouver une belle formule, en s’attachant à la jeunesse méconnue du héros littéraire du droit de blasphémer. Un Voltaire enlevé, vivant, que l’on rêve de voir pousser l’aventure une saison de plus, jusqu’à défendre Calas et le Chevalier de La Barre. Histoire de rappeler à l’Unef que la liberté de critiquer le fanatisme protège l’égalité.

Sur Arte, « En thérapie » a réussi à tirer le meilleur d’un décor quasi unique et dépouillé, un cabinet de psychanalyste, pour nous offrir une thérapie nationale sur les attentats et la condition humaine. Ses 35 épisodes doivent beaucoup à ses deux pères, Olivier Nakache et Éric Toledano, qui poursuivent leur œuvre de réconciliation nationale avec la luminosité qu’on leur connaît. Et bien sûr à ses scénaristes, qui ont taillé des dialogues d’une profondeur rare.

Le personnage d’Adel Chibane, un policier hanté par le drame du Bataclan et le massacre de sa famille en Algérie, est un hommage au métissage républicain. Alors tant pis si les islamo-complaisants d’Orient XXI le trouvent « privé de psyché » et « néoconservateur » parce qu’il déteste les « planqués » comme eux. Loin des salons, sur le divan, c’est lui qui nous touche. À l’unisson de toutes celles et de tous ceux que les attentats ont bouleversé.

Caroline Fourest, Marianne, 12/3/2021