Six ans après les attentats, qu’avons-nous appris ?

Six ans après l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo, qui a aussi coûté la vie à Ahmed Merabet l’assassinat à Montrouge de Clarissa Jean-Philippe et l’attaque de l’Hyper Casher, qu’avons-nous appris ?

Que nous étions tous des cibles. Qu’il ne suffisait pas de prononcer des phrases creuses ni d’allumer des bougies. Qu’il fallait nommer le mal, l’islamisme, et lui tenir tête au lieu de blâmer ses victimes. Il tuait bien avant les attentats de Paris ou de New York, sur tous les trottoirs du monde, depuis des décennies, et il a continué après. Il ne sert donc à rien de renoncer à ce que nous sommes, à penser ou à dessiner, en toute liberté, pour être à l’abri. La peur et la lâcheté sont nos pires ennemis, la confusion intellectuelle qu’elles engendrent est plus dangereuse que les balles des tueurs. »Ne laissons plus salir la marche du 11 janvier et son esprit de solidarité, comme si les marcheurs étaient des zombies. Refusons ce nouvel antiracisme, qui désigne des cibles aux fanatiques en traitant d’« islamophobes » ceux qui résistent. »

Nous avons appris autre chose.

Que la démocratie pouvait servir à défendre ceux qui assassinent la République laïque, en toute bonne conscience. Qu’il existait même des réseaux, des officines, des activistes payés pour ça. Et même des intellectuels pour s’en acquitter gratuitement. Qui préfèrent la liberté religieuse et le modèle anglo-saxon à la laïcité française, ne veulent pas passer pour « islamophobes », ou pensent éviter le danger de l’extrême droite en niant le danger de l’islamisme. Alors que c’est l’inverse : seule la raison, une alternative républicaine lucide, peut contenir la tentation de la colère.

Ne laissons plus salir la marche du 11 janvier et son esprit de solidarité, comme si les marcheurs étaient des zombies. Refusons ce nouvel antiracisme, qui désigne des cibles aux fanatiques en traitant d’« islamophobes » ceux qui résistent. N’utilisons plus ce terme assassin, et remplaçons-le par « anti-musulmans » pour désigner cette sorte de racisme, qui sévit lui aussi. Ne mettons pas en concurrence la lutte contre le racisme et celle contre l’intégrisme. Menons les deux.

Qu’avons-nous appris d’autre ? »Croire qu’un État laïque peut dicter la loi religieuse. Alors qu’il doit fermement faire respecter la loi républicaine. Et soutenir ses alliés. Ces musulmans républicains et laïques qui prennent tous les risques, pour que nous apprenions enfin. »

Que la lutte contre le terrorisme pouvait restreindre les droits de l’homme. Et que les droits de l’homme pouvaient être invoqués pour protéger les tueurs de la lutte contre le terrorisme.

Que l’État lui-même pouvait se tirer des balles dans le pied. En nommant des aveugles pour observer la laïcité. Des bigleux au bureau des cultes. Des arrivistes sous influence dans des commissions ou dans des fondations chargées de réfléchir au meilleur moyen de lutter. En répétant cent fois les mêmes erreurs politiques. Croire qu’un État laïque peut dicter la loi religieuse. Alors qu’il doit fermement faire respecter la loi républicaine. Et soutenir ses alliés. Ces musulmans républicains et laïques qui prennent tous les risques, pour que nous apprenions enfin.

Caroline Fourest, Marianne, 8/1/2021