Avec #MeToo, une digue est tombée. Celle de la honte qui détruisait la vie des femmes depuis des siècles. Jusqu’à ces derniers temps, une victime subissait la double peine, coupable d’être agressée et de parler. Les prédateurs en ont profité, jusqu’à plus soif, en toute impunité. Cette peur des proies doit disparaître et ne jamais revenir. C’est aux ordures de trembler.
Depuis #MeToo, les brutes réfléchissent à deux fois avant d’insister lourdement ou de forcer. Peu prennent conscience qu’ils confondent sexe et domination. La plupart ont simplement peur. Moins de la justice, qui passe si rarement dans ces affaires, que du tribunal de l’opinion. Cette justice de compensation, expiatoire, est forcément expéditive.
C’est aux ordures de trembler
Les victimes ont besoin de l’opinion pour tenir bon. Demandez à Henda Ayari le calvaire qu’elle traverse. Dans l’affaire Ramadan, comme dans l’affaire Weinstein ou Epstein, des dizaines de femmes livrent le même récit, glaçant, malgré les insultes et les menaces. La justice dira sa vérité, mais de tels détails, courageux et recoupés, dessinent de vrais monstres.
PAROLE CONTRE PAROLE
D’autres affaires sont plus délicates à trancher. Les cas de « parole contre parole ». Lorsqu’une seule personne accuse une personne publique ou célèbre, parfois sans porter plainte, qu’il s’agisse d’un ministre ou d’un chanteur, on ne peut exclure la volonté de nuire ou de se venger.
Ibrahim Maalouf vient d’être innocenté des attouchements qu’une jeune fan, mineure, lui reprochait d’avoir commis. Sa vie d’homme ne s’en remettra jamais tout à fait.
Si la presse ne vivait pas des scandales, ces affaires-là – « parole contre parole » – devraient rester privées. Le tort causé par une seule accusation dépasse de loin ce qu’un verdict lointain peut réparer. Surtout si l’on commence à mettre sur le même pied de gravité le harcèlement, la balourdise, l’abus de faiblesse et le viol.
GROTESQUE PARODIE DES CÉSARS 2020
Dans l’affaire Darmanin, le récit même des plaignantes évoque davantage le sordide marchandage, l’abus de faiblesse, que le viol à proprement parler. N’est-ce pas déjà assez grave pour forcer le trait ? Christophe Girard, lui, est carrément lynché pour les crimes d’un autre, par des justicières qui ont bien voulu se faire élire sur la même liste, mais hurlent « Bienvenue à pédoland » une fois élues conseillères à la Mairie de Paris. Grotesque parodie des Césars 2020.
Depuis que le féminisme est devenu un pouvoir, il est tentant d’en abuser. Tout homme accusé par une femme se voit traité comme un violeur avéré, dans les gazettes comme sur nos murs. À ce compte, n’importe qui peut voir demain sa carrière brisée, sur la simple foi d’une parole finalement démentie ou regrettée. Ce tout nouveau contexte change tout. Parce qu’il devient un pouvoir, le féminisme doit se montrer plus responsable que jamais.
Caroline Fourest
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