La « cancel culture » : trouvaille absurde de la gauche américaine

C’est la dernière mode de la gauche américaine lorsqu’elle se sent offensée. Lancer un arrogant « You are cancelled ! », « Vous êtes annulé ! ». Ne riez pas. C’est très sérieux. Un voyage en absurdie qui pourrait permettre à Donald Trump de repasser malgré sa gestion meurtrière du coronavirus.

Le président américain passe ses discours de campagne à railler le déboulonnage des statues et cette « Cancel culture » imbécile, où l’égalité croit devoir marcher sur le corps des libertés. Des intellectuels progressistes américains se désolent de cette dérive depuis des années, sans oser le dire publiquement, par peur d’être harcelés ou boycottés. Deux initiatives viennent briser ce tabou.

Auteur d’un essai brillant, Le Peuple contre la démocratie, Yascha Mounk, naturalisé américain, vient de lancer Persuasion. Une revue et un club de réflexion plaidant pour un débat contradictoire argumenté et « poli ». Succès immédiat. Vingt mille abonnés en quelques jours. La preuve que ce besoin d’oxygène existe aux États-Unis.

MOBILISATION

Dans la foulée, 150 écrivains de renom – Salman Rushdie, Noam Chomsky, Kamel Daoud, Margaret Atwood… — ont signé une lettre en faveur de la liberté d’expression dans le magazine Harper  : « Notre résistance à Donald Trump ne doit pas conduire au dogmatisme ou à la coercition. »

Les exemples récents ne manquent pas. Spike Lee a dû s’excuser pour avoir soutenu Woody Allen et son droit de publier des Mémoires. Timothée de Fombelle ne verra pas son livre publié en anglais, parce qu’Alma raconte l’histoire d’une petite fille noire, et qu’il est blanc. Le nom de J. K. Rowling est supprimé de plusieurs événements « Harry Potter » pour un tweet ayant froissé les transgenres. Une auteure, transgenre elle-même, ne cesse d’être harcelée et menacée pour avoir signé la lettre du Harper à ses côtés. Elle a dû reculer. Un autre signataire, Afro-Américain, reçoit des messages le traitant de « fasciste ».

Cela n’empêche pas les détracteurs de cette lettre de nier toute pression sur la liberté d’expression (Rushdie doit tousser), ni d’accuser ses signataires de défendre un « statu quo » de « privilégiés ».

Malgré tant de mauvaise foi, l’un des initiateurs de la lettre, Thomas Chatterton-Williams, né d’un père noir et d’une mère blanche, auteur de livres sur l’identité métissée, se veut optimiste : « Nous avons reçu beaucoup d’attaques, mais aussi énormément de soutiens. Beaucoup d’universitaires, qui croyaient devenir fous, nous remercient d’avoir écrit ce qu’ils ne peuvent plus dire sans être renvoyés. » Lui-même se sait chanceux d’y échapper : « Un jour, je serai peut-être “annulé” par des progressistes blancs qui me feront passer pour un raciste pour avoir voulu défendre l’égalité et la liberté ! » On rit mais c’est vite arrivé.

Caroline Fourest

Marianne