A moins de se déconnecter totalement, ce que feront certains, nous ne reviendrons pas en arrière. D’où l’urgence de renforcer les garde-fous, nos institutions démocratiques et les autorités qui défendent les libertés. Pour nous protéger de ces applications et de leurs maîtres. Et peut-être plus encore de nous-mêmes.
Après un accouchement douloureux, l’application StopCovid va donc voir le jour. En la téléchargeant, les usagers recevront une alerte s’ils ont croisé un autre usager testé positif. Un atout pour briser la chaîne des contaminations.
Pourquoi s’en priver, si l’Etat garantit l’anonymat des usagers et qu’aucun groupe ne stocke ces données ? De grandes voix s’élèvent pour nous mettre en garde. Une fois le doigt mis dans cet engrenage, nous n’en reviendrons pas. Nous aurons concédé le droit d’être tracés. C’est tout à fait vrai. Pourtant, nous avons déjà basculé.
Nous sommes déjà tous traqués par nos objets connectés, nos smartphones, via toutes sortes d’applications, comme le GPS, qui facilite nos trajets. Des données concédées à des groupes privés, qui connaissent toute notre vie.
Souvenez-vous d’une étude plutôt drôle. Peu après le début du confinement, une pluie d’articles de presse nous annonçait que, malgré un nombre de pas limité, les Français n’avaient pas tellement grossi : de 84 g en moyenne. Moins que les Chinois, les Italiens et les Allemands… D’où viennent ces chiffres étonnamment précis ? De la compagnie Withings, qui commercialise des balances connectées.
Cette balance, sur laquelle nous montons tous les matins pour surveiller notre poids, notre pourcentage en eau, en gras et en muscles, qui calcule notre IMC et l’envoie à notre téléphone… eh bien, c’est elle qui nous a balancés ! Et elle n’est pas la seule. Entre celle qui calcule nos pas et l’autre qui vérifie combien d’heures nous dormons par nuit, nous vivons entourés d’espions dignes de Ceausescu. Mieux, c’est nous qui les avons voulus, choisis et téléchargés. Rien de grave en démocratie. Entre les mains d’un groupe hostile ou d’un Etat autoritaire, c’est une autre histoire.
CRÉDIT SOCIAL
Pas besoin d’être paranoïaque ni de regarder Black Mirror. Il suffit d’observer ce qui se passe en Chine. Après le « crédit social », qui restreint, pour les « mauvais » citoyens, l’accès à certains services, après un code-barres indiquant qui a le droit de se déplacer et où, selon le risque d’être positif, pendant la pandémie, une ville chinoise envisage d’aller plus loin.
Hangzhou – où siège Alibaba, le roi de la big data – songe au « crédit santé ». Une application qui collecterait les données médicales de chaque habitant pour leur dire quoi manger ou quels exercices effectuer afin de regagner des points. Avec le risque, s’ils en perdaient trop, d’être licenciés ou relégués. Un scénario si effrayant qu’il fait débat en Chine. Jusqu’à la prochaine épidémie ?
Et nous ? Soyons réalistes. A moins de se déconnecter totalement, ce que feront certains, nous ne reviendrons pas en arrière. D’où l’urgence de renforcer les garde-fous, nos institutions démocratiques et les autorités qui défendent les libertés. Pour nous protéger de ces applications et de leurs maîtres. Et peut-être plus encore de nous-mêmes.
Caroline Fourest
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