Même avec un masque sur le nez, on sentait bien qu’un participant au bal masqué oserait cette comparaison indécente.
On comptait les jours. Même avec un masque sur le nez, on sentait bien qu’un participant au bal masqué oserait cette comparaison indécente.
Sans surprise, elle est venue d’un article du Washington Post et de son correspondant à Paris. Comme à son habitude, James McAuley prête sa plume aux détracteurs du modèle laïque français pour rire sous cape… De ce pays qui a voulu interdire la burka, mais va devoir porter le masque ! Quelle ironie, savoure Fatima Khemilat, doctorante au sein de l’institut d’études politiques d’Aix-en-Provence. A l’écouter, la contrainte du masque dans les transports donnerait à la population française un aperçu de ce que vivent les musulmanes voilées, à qui la police explique ce qu’elles doivent porter et où.
Au risque de la décevoir, on espère plutôt que cette triste expérience éduque un peu certains journalistes et chercheurs orientalistes. Ils trouvent si exotique de voiler les femmes. Après un été bien chaud à porter un masque, toucheront-ils du doigt l’enserrement d’un costume pensé pour cacher nos visages et nos sourires de femmes ?
« L’islamophobie peut-elle être plus transparente ?«
N’espérons pas trop. Pour faire carrière, mieux vaut flatter les préjugés de l’Amérique sur la laïcité française. Bourré de clichés et accompagné d’une photo d’Emmanuel Macron avec un masque, l’article du Washington Post était sûr de buzzer.
Bondissant comme s’il s’agissait d’un camp de concentration pour musulmans en Chine, le directeur de Human Rights Watch, Kenneth Roth, a aussitôt tweeté : « L’islamophobie peut-elle être plus transparente ? » La gauche identitaire américaine ne s’embarrasse jamais de nuances. Au point de nier la différence entre un masque, porté de façon provisoire par tous, pour se protéger d’un virus, et un voile, que l’on fait porter uniquement aux femmes, à vie, pour que leurs « atours » n’excitent pas les hommes.
Cet amalgame dangereux ne pouvait échapper à Karima Bennoune, rapporteuse spéciale des Nations unies dans le domaine des droits culturels. Elle sait le prix payé par les Algériennes pour le voile politique. Dans un tweet poli, elle recadre ces messieurs et s’alarme de propos qui « risquent de saper la légitimité d’une mesure vitale pour la santé publique en pleine pandémie, tout en niant les risques que prennent des femmes musulmanes pour contester la burqa ».
Sauront-ils l’entendre ? L’exotisme est si aveugle. Changeons de continent et de religion. Qu’ont-ils pensé lorsqu’un nostalgique du Ku Klux Klan a voulu entrer dans un magasin en cape à pointe sous prétexte que le masque était désormais conseillé ? Ils s’offusqueront de cette comparaison. Pourtant, c’est leur amalgame qui est profondément choquant. Le niqab noir, la burka bleue et la cagoule blanche n’ont rien d’un masque pensé pour nous protéger. Et tout de costumes politiques imaginés pour nous séparer.
Caroline Fourest
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.