Les Frères musulmans, la gauche et le pari de Trump

La gauche américaine se donne beaucoup de mal pour nous infliger Donald Trump quatre ans de plus. Elle espérait pouvoir tenter l’impeachment sur la base de collusion formelle avec la Russie. Le rapport Mueller ne l’a pas établi. Le président a beau avoir tenté d’étouffer l’affaire par tous les moyens, y compris ceux de l’Etat, tout glisse. Pour une raison simple. En face, la gauche démocrate est lamentable.

L’éruptif Donald Trump a gagné grâce aux excès du politiquement correct et de la « politique d’identité » ? Dans la primaire démocrate, on s’écharpe pour savoir s’il faut désigner une femme noire ou un homme gay. Le parti s’est également démené pour défendre Ilhan Omar, sa première députée voilée, malgré des sorties maladroites sur le lobby de l’argent en faveur d’Israël, ou le 11 septembre 2001. Lors d’un meeting du Conseil des relations américano-islamiques (Cair), proche des Frères musulmans, où elle a félicité l’organisation musulmane pour son combat contre les persécutions frappant les musulmans depuis que « certaines personnes ont fait quelque chose ». Un euphémisme. Trump s’est régalé à tweeter sa prestation, tronquée, entre deux images du Word Trade Center en flammes. Avant d’enchaîner sur le coup d’après : envisager de placer les Frères musulmans sur la liste des organisations terroristes.

Un coup de génie. De toutes les nébuleuses islamistes, celle des Frères musulmans est sans doute la plus redoutable au niveau mondial. Fondée en Egypte en 1928, la confrérie rêve d’établir un califat comme Daech, mais par « étapes ». En infiltrant d’abord les écoles, les syndicats ou les partis. Son père spirituel, Hassan al-Banna, ne croyait pas à la démocratie comme principe, seulement comme un moyen pour instaurer la théocratie. La branche légale est chargée de gagner les élections puis de les suspendre, comme en Algérie si l’armée ne l’avait pas fait avant. Sa branche radicale légitime le djihad armé, pour renverser les tyrans arabes ou les sionistes, comme en Palestine. Le Hamas est une branche des Frères musulmans.

Ce recours à la violence terroriste légitimée a été théorisé par l’un de ses cadres, Sayyid Qotb, dans Signes de piste, un manifeste écrit dans les geôles de Nasser. Il autorise le recours au djihad armé en cas de persécution. Le cerveau d’Al-Qaida, lui aussi frère musulman, s’en est inspiré. Quant au Hamas, il se sert d’une fatwa autorisant les attentats kamikazes émise par l’actuel théologien des Frères musulmans : Youssef al-Qardaoui. Persuadé que « le seul dialogue possible avec les juifs passe par le sabre et le fusil », il a fondé le Conseil européen de la fatwa, chargé de guider tous les frères d’Europe. Dans un petit livre discret, Où est la faille ?, il se demande pourquoi les Frères musulmans ont échoué en Algérie.

Et en conclut qu’ils sont allés trop vite, qu’il faut mieux préparer la société à la charia avant de l’appliquer. Ce que frère Tariq a tenté en Europe. Ce que frère Erdogan a réussi en Turquie. Au Soudan, frère Omar el-Bechir a été jusqu’à appliquer la charia, commettre un génocide au Darfour et financer le terrorisme mondial.

Ce n’est pas fini. D’anciens frères musulmans, comme Mohamed Louizi, ont révélé que les nouveaux adeptes continuaient de prêter allégeance, en secret, au credo historique de la confrérie égyptienne : « Dieu est notre but. Le Coran est notre loi, la guerre sainte est notre chemin. Le martyre est notre désir. » Ses militants sont endoctrinés pour se révolter en cas d’atteintes à leur foi, qu’ils voient partout, en Orient comme en Occident. A Philadelphie, dans un centre des Frères musulmans, une vidéo montre de tout petits Américains habillés de noir, un bandeau du Hamas autour du front. Chantant à la gloire des « martyrs », ils appellent les « vrais hommes » à se révolter, à se battre contre « l’oppression », le long de « rivières de sang », jusqu’à la « libération de leurs terres ».

C’est dire si, malgré son talent pour masquer son vrai visage, on peut classer les Frères musulmans parmi les groupes terroristes. Les Emirats arabes unis l’ont fait. L’Egypte l’a demandé à Donald Trump. S’il ose, il ne peut que marquer des points. Surtout si la gauche américaine fonce tête baissée dans le panneau et se met à défendre la confrérie. Bernée par leur double discours, elle crie déjà au complotisme et, bien sûr, à l’« islamophobie ». Exactement ce que Trump espère.

Caroline Fourest
Marianne, 11/5/19