L’intimidation version Marine Le Pen

Aucun politique n’aime être critiqué. Aucun extrême n’aime être dévoilé. Marine Le Pen n’aime ni l’un ni l’autre, et répond par l’intimidation procédurière. Des dizaines de livres, parfois très violents, ont été écrits sur Nicolas Sarkozy. Ce dernier ne porte pratiquement jamais plainte. Même s’il a usé, une fois, de son pouvoir pour faire interdire une biographie parlant de sa vie privée. Ce qui a fait scandale.

Rien de tel dans notre livre sur Marine Le Pen. Il s’agit d’une « contre-biographie » sérieuse, mais qui l’a rendu furieuse. Et pour cause. Après des mois de  médiatisation plutôt flatteuse, vantant son style « nouveau » et sa dédiabolisation, notre livre — sobre mais fouillé — est venu apporter des éléments, des contre-champs, des mises en lumière, qui contredisent et donc contrarient son story telling. N’est-ce pas la moindre des choses au sujet d’une femme politique susceptible d’être au second tour de la présidentielle ?

Pas selon Marine Le Pen, qui active la menace de procès (une quinzaine en cours, contres des journalistes ou des adversaires politiques). Son avocat, Wallerand de Saint-Just, est aussi vice-président d’une association catholique intégriste — Chrétienté Solidarité — qui poursuit régulièrement Charlie hebdo pour racisme anti-chrétien.

La plainte contre le livre, largement médiatisée, porte sur des détails absurdes : comme le fait d’avoir publié des extraits des interviews données par Pierrette Le Pen au moment de son divorce. Des éléments peu flatteurs pour le clan familial mais publics, et qui font même partis de notre patrimoine politique et polémique. D’autres portent sur le témoignage de Jean-Claude Martinez, qui raconte des faits révélateurs dont il a été témoin au premier chef. Ou encore l’affaire Le Rachinel, où Marine Le Pen et le Front national ont multiplié des procédures douteuses pour tenter de lui faire payer la dette du FN. Des procès qu’ils ont perdus.

Cette plainte  a pour but de dissuader de faire connaître ses éléments, avérés, et de disqualifier le livre. Le procès, qui aurait permis de donner la parole à ces témoins et que nous attendions avec impatience, était prévu pour le 15 et 16 décembre. Mais surprise, après avoir crié partout qu’il faisait ce procès, l’avocat de Marine Le Pen a prétexté un empêchement pour demander son renvoi… au 2 et 3 juillet, soit après la présidentielle. Le fait de porter plainte serait-il plus intéressant, pour la communication du FN, que le résultat du procès ?

Marine Le Pen se sert maintenant de ce procès — toujours en cours — pour tenter de faire pression contre notre film, bientôt  diffusé sur France 2. Elle vient d’envoyer une sommation à France télévisions, tout comme l’un de ses proches (Frédéric Chatillon) qui ne souhaite pas voir son rôle auprès d’elle révélé.

Bien entendu, ces tentatives d’intimidation, cette pression sur nos employeurs (un procès contre notre livre mais aussi contre une chronique de France Inter et maintenant une sommation à France 2), n’empêcheront pas la diffusion de ce documentaire. Cela fait plus de quinze ans que nous enquêtons sur les extrêmes (frontistes ou intégristes), nous sommes habituées à ces procédés, pouvant aller de l’intimidation au procès d’intention en passant par toutes les gammes de la disqualification. Elles ne nous ont jamais dissuadé, bien au contraire, de continuer à faire notre travail : informer.

Caroline Fourest & Fiammetta Venner

Pour voir le film : « Marine Le Pen, l’héritière » : Jeudi 15 Décembre à 23h10 sur France 2.

Pour revoir le film sur le web : https://vimeo.com/87580940