Yahvé online

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Les fidèles se sont toujours posés de drôles de questions… Mais depuis internet, elles sortent des confessionnaux pour s’exposer sur la place publique. La toile regorge de sites spécialisés dans la livraison à domicile d’avis religieux. Cheela.org, le site des juifs de la mouvance orthodoxes-sionistes français, n’est pas le moins tordant…

 

La religion créée des interdits, des fidèles s’angoissent, demandent conseils et des conseillers les apaisent en leur dictant la voie à suivre. C’est une recette inépuisable. Sur Cheela.org, une quinzaine de rabbins — quasi tous de tendance orthodoxe-sioniste-religieuse — se relaient pour guider les internautes dans ce désert angoissant qu’est la vie. Les questions valent autant leur pesant d’or que les réponses…

Première précaution, totalement nécessaire pour éviter de perdre des ouailles ou de les troubler avec des avis divergents : les rabbins libéraux sont excommuniés. Pour le Rabbin David Zenou: « Un rabbin libéral n’est pas un rabbin. (…) Les réformés ont réformé selon leurs gouts personnel la loi juive et l’on vidé de tout sens. Pour cette raison la conversion faite par un rabbin libéral est nulle et non avenue, de même le mariage fait par un libéral est nul est non avenu. »

Une fois la concurrence éliminée, il reste à tenir le client bien en main. Dans ce domaine, les religieux ont la fâcheuse habitude de tenir les femmes par les cheveux. Le voile pour les unes, la perruque pour les autres. Un internaute se demande si « un goy peut voir les cheveux d’une femme mariée ? » Entendez d’une femme juive, mariée… Réponse : « Pourquoi un non-juif aurait-il le droit de voir une fille d’Israël tête nue. Ou plutôt pourquoi une fille d’Israël aurait le droit de se dénuder devant un non-juif ? La pudeur, c’est la pudeur. »

 

Combien faut-il de rabbins pour couper vos cheveux en quatre ?

Comme toujours, cette vision de la pudeur, où le moindre cheveux qui dépasse équivaut à de la nudité, révèle la phobie de la mixité et du mélange. Les relations amoureuses entre juifs et non juifs sont proscrites. Une adolescente juive de 15 ans a poussé le vice jusqu’à tomber follement amoureuse d’un garçon turc… Elle s’interroge sur ce qu’elle doit faire. La réponse du site est sans appel : « Vous devez quitter ce garçon. Ce n’est pas l’intensité des sentiments qui définit la « correspondance des âmes » des deux « amoureux ». On peut aimer à la folie quelqu’un avec qui l’avenir n’est pas possible, quelqu’un avec qui on ne peut pas réellement construire. Votre famille, votre religion font partie de vous. Vous aurez beau vous faire une raison, vous dire que vous aimez ce garçon et qu’il vous adore, vous ne pourrez éteindre cette parcelle en vous qui ne sera pas sereine, et vous ne pourrez donc pas être complètement heureuse, en harmonie avec votre cœur, votre âme, votre croyance, etc… » Le cœur a ses raisons, que la religion ignore…

 

L’esturgeon est antisémite

Il reste l’appétit pour compenser. L’essentiel des questions portent sur la nourriture. Que manger ? Avec quoi ? Avec qui ? Comment ? Car là aussi le plaisir est placé haute surveillance. Certaines réponses frisent même la blague juive. Comme à propos du caviar, formellement interdit… Parce que l’ « esturgeon est un poisson antisémite ». C’est la thèse, soutenue le plus sérieusement du monde par le rabbin Elyakim Simsovic : « L’esturgeon est un poisson antisémite. En effet, la femelle perd toutes ses écailles au moment de la ponte et ses œufs sont donc à ce moment-là des œufs non de poisson mais de reptile selon la définition de la Thora. Il s’ensuit que le caviar n’est pas cachère. » On retiendra la leçon : tout ce qui n’est pas cachère est antisémite… Cette fois, le marché est diablement ouvert.

En matière de sexualité, il n’est pas seulement interdit d’être homosexuel. Il faut aussi s’abstenir de les soutenir. Un internaute s’interroge : « Assister à une gay pride est pour vous un péché ?… » Réponse : « Oui, c’est apporter un soutien moral à une action qui est scandaleuse. » La gay pride de Jérusalem est d’ailleurs l’une des plus sportives au monde, grâce aux jets de pierres des orthodoxes. Une vieille tradition, un peu l’équivalent des Olympiades chez les Grecs…

 

Champions au lancé de pierre

Des rabbins ont restreint la lapidation de façon à la rendre caduque il y a presque 2000 ans. Plutôt réformateurs dans leur genre, Jésus et Mahomet ont tenté de s’en inspirer. Mais la « mode » (pour parler comme le PDG de France Télécom) a dû mal à prendre. Chez certains musulmans, comme chez certains Juifs. Un internaute s’en émeut : « lapidation d’une femme adultère ou la mise à mort d’un incroyant… Pourquoi une telle violence ? » La réponse du rabbin Jacques Kohn mérite d’être gravée à coups de pierres sur le corps d’une femme lapidée : « Nous sommes trop imprégnés par une certaine culture des droits de l’homme – dont il n’est pas avéré, soit dit en passant, qu’elle soit un succès pour l’humanité – pour réagir autrement que par une sensiblerie naïve à des lois dont nous ne percevons plus la véritable finalité. » Tyrannie des droits de l’homme, quand tu nous tiens ! Un autre rabbin, Elyakim Simsovic, s’émeut que l’on puisse s’émouvoir : « Vous devriez être outrée d’abord que la charia ait copié les principes de la Thora en les déformant. Vous devriez être outrée du fait que des femmes et des hommes commettent l’adultère. Vous devriez être outrée de l’immoralité et non de son châtiment. » Jacques Khon explique, lui que « L’intégrisme juif n’a jamais eu, contrairement aux intégrismes chrétiens et musulmans, la moindre goutte de sang sur les mains, et que cette constatation suffit à discréditer toute tentative de comparaison. » Dont acte. On croyait Itzhak Rabin mort. En fait, il se la coule douce à Palm beach.

Fiammetta Venner et Caroline Fourest

(Charlie Hebdo, septembre 2009)

 

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